Dur dur d’être un artiste

Sur les bords du Missouri,

Un alligator discute avec une souris…

– Stop ! hurle le producteur. Si j’avais voulu une parodie de l’Alligator de Robert Desnos, je l’aurais demandée. Avec une entame pareil, c’est le four garanti !

– Vous travaillez aussi avec Darty ? demande le type qui aimerait être comique.

– En plus, vous vous foutez de moi ! vitupère le producteur, qui écrase son cigare de rage.

– Écoute papa, je fais ce que je peux, bredouille le jeune homme.

Un silence. Un soupir. Deux soupirs.

– OK bonhomme. Quel public vises-tu ?

– Euh… les jeunes peut-être ?

– Plus bas, rétorque le producteur.

– Les enfants ?

– Mouais. On va tenter ça. Déclamer du Desnos, ça pourrait leur plaire. Mais c’est plutôt frustrant pour l’artiste. Tu veux tenter les rimes ?

– Ah oui ! On laisse l’alligator, et je prends le caïman. J’ai préparé un truc :

Dans la ville du Mans,

Un caïman

Ment tout le temps.

Il invente un mal de dents

Pour échapper au cours de chant

Et ainsi duper sa maman.

Il est vilain le caïman.

Un silence. Un soupir. Deux soupirs.

– OK bonhomme. C’est pour le curé au catéchisme ? L’illustration que mentir c’est pas bien, et tout le charivari qu’on peut mettre derrière ? T’as rien de mieux dans tes cartons ?

– Beh… des haïkus ?

– Holà Stanislas ! On a dit qu’on ciblait des enfants ! Tu leur balances des haïkus 100 % hiroshimiques et je refais la fortune du labo fabriquant le Prozac ! Écoute. Il faut impérativement occuper le créneau du mercredi après-midi. Les mioches, c’est une piste. Pour espérer quelques bravos, tu vas leur faire la lecture. Desnos, il a écrit des choses chouettes. S’ils sont intéressés, on peut ajouter un peu de Prévert. Et pour tes propres créations, on attendra encore.

 

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