La grande toilette

Les grandes cuves en fer blanc remplies d’eau sont disposées sur la cuisinière en fonte noire depuis le matin. Arthur est heureux ! C’est jour de fête ! C’est jour de grande toilette. La cérémonie du dimanche après-midi avec grand-mère Toinette.

Derrière le paravent aux oiseaux bleus, il règne le dimanche tantôt une odeur de bain chaud, de plaisir, de savon, de propreté.

C’est le jour préféré d’Arthur. Il aime plus que tout cette ambiance chaude, festive. Il se déshabille vite, jette pêlemêle ses vêtements en l’air, sans souci de les plier sur le rebord de la chaise en bois, comme aimerait Grand-mère Toinette. Il sautille d’impatience, attend à peine l’autorisation de l’ancienne et déjà il est dans la grande cuve. Il éclabousse avec plaisir le carrelage ocre. Il joue à se noyer comme toujours. Juste pour avoir le privilège d’entendre la voix affolée de sa Grand-mère :‘Arthur remonte’. Cette vieille femme d’ordinaire si calme, assise au coin du feu à ravauder ou debout devant l’évier blanc à laver et éplucher les légumes du jardin.

Ce jour-là, tout est permis. Il éclabousse la cuisine transformée en salle de bains. Les femmes crient et rient ! Arthur voudrait que ce temps ne s’arrête jamais. Il se laisse envelopper dans la grande serviette blanche un peu rêche et réclame son lait d’oranger. Le dimanche après-midi, il s’octroie le droit de jouer au petit qui est bichonné, savonné, embaumé. Les jours de la semaine, il joue au grand ; il va à l’école, aide aux travaux de la ferme. Double journée à huit ans ! Il en est fier. C’est un petit homme.

Seule la parenthèse du dimanche lui est accordée. Les jours de grande fête, Marie la grande sœur adorée débarque de Caen, la grande ville. Elle sait masser, toute la maisonnée attend les caresses douces de la belle Marie. Toute la tribu passe dans les mains de la célèbre masseuse. Avec sa gouaille et sa chevelure rousse enchante plus d’un. Elle a un faible pour le jeune Arthur. Elle l’étend sur le petit banc prévu à cet effet et avec ses doigts de fée elle le masse et l’emporte dans un bonheur des sens inoubliable. Arthur a découvert la sensualité avec les mains de Marie.

 

J'écris depuis mon adolescence...comme beaucoup j'ai tenu un journal intime puis j'ai écrit des poèmes puis des textes et quelques petites nouvelles. J'adore lire depuis que je sais lire . Les livres furent mes premiers amis .

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2 réponses à La grande toilette

  1. Sylvie W dit :

    on sent d’ici le savon et l’eau chaude; on entend la joie de cette après-midi de dimanche et surtout on voit ce petit garçon qui se construit dans cette chaleureuse ambiance.

  2. Aliette S dit :

    Quel joli texte plein de sensualité et de joie… Mais qu’est-ce donc que le lait d’oranger ? Du lait (chaud ? froid ?) parfumé à la fleur d’oranger ?

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