le chat poète

Dans mes souvenirs, c’est un chat noir. Non, pas roux comme l’écureuil qui te vole tes noisettes, juste noir, sans tâches, sans défaut. Un corps trapu qui s’allonge pour se couler dans l’herbe sans un bruit à la recherche d’un mulot maladroit.

Il avance lentement sans tourner la tête, fier et dédaigneux. Aucune contingence matérielle ne l’arrête. Il ignore la pie effrontée et curieuse, poursuit son chemin et soudain fait halte. Un bruissement dans le talus? Non, juste la brise qui fait danser les arbustes.

Il reprend sa marche, tourne, se retourne, lève la tête, lève une patte puis s’assied. Rien alentour. Une minute, deux minutes. Fatigué d’attendre le mulot, il repart jusqu’en bordure de terrain, là où les herbes hautes le cachent. Il espère apercevoir quelques proies sous cet observatoire naturel et reste immobile longtemps.

Non tu sais, il ne ressemble pas du tout à ton écureuil qui ne sait que courir en tous sens, d’arbres en arbres et de branches en branches. Lui est toujours calme. Le soir l’inspire. Il attend l’instant où tout va basculer.

Un imperceptible bruit lui fait remuer l’oreille droite, pas la gauche, juste la droite. Il se lève précautionneusement. Encore plus lentement il lève une patte et attend à l’affut de ce petit bruit. Tu sais, ça peut durer plusieurs minutes. A tel point que je vois son corps trembler, tout concentré qu’il est avec sa patte prête à l’emploi.

Et puis, hop! Il saute et disparait derrières les herbes. J’entends un bref couinement puis plus rien. Plus de chat, plus de mulot.

Le soir s’installe tranquillement. Le soleil descend illuminant d’une clarté dorée le lac, les hautes herbes et les arbres. Les bruits s’amenuisent.

Mais revoilà mon matou, se dandinant au travers des jardins. Il se pose dans les hautes herbes, hiératique tel une statue égyptienne; il tourne la tête, regarde l’horizon flamboyant et profite de ce moment en poète.

Le soleil disparait; le chat repart. Il est 21 heures.

 

 

 

 

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Une réponse à le chat poète

  1. Aliette S dit :

    Sylvie tu es comme ce chat, tu as une patte, un style, on est dans le champ avec ton égyptien, plein de sensations, aux aguets comme lui.
    Merci !
    Aliette

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