Le regard de Leïla

Le doux visage illuminé d’une malice enfantine de Leïla apportait habituellement une gaieté insouciante dans sa classe où régnait aujourd’hui, une atmosphère irrespirable.
Le visage des élèves et du professeur Monsieur Duval à demi dissimulé par le masque semble figé dans une lenteur inénarrable.

Monsieur Duval installé derrière son bureau, les yeux noirs comme du thé trop fort fixe sa classe, prostré dans un silence qu’aucun enfant n’ose rompre.

Ce masque, objet singulier qui s’est incrusté dans notre quotidien comme le virus contre lequel il doit nous protéger et qui, pense-t-il, génère bien des maux!
Ce n’est guère le moment mais il ne peut dévier sa pensée de cet intrus qui dissimule la moitié du visage, cache une partie de l’identité, parasite les relations positives et l’entrée dans l’interaction.

Le professeur, pourtant expérimenté peine à sortir de sa torpeur, figé, la boule au ventre comme un débutant un jour de rentrée des classes.

Il devrait suivre les consignes du Ministère relayées par la direction et commencer sur un ton solennel par rappeler à ses élèves la nécessité de continuer à apprendre et à oublier ce masque tout aussi protecteur que pernicieux en enfermant les individus dans leur bulle, freinant leur spontanéité à s’exprimer.

Revenant à la réalité du moment, le regard de Monsieur Duval croise celui joyeux de la petite Leïla qui semble l’encourager.
Alors, tel le géant du ciel qui illumine la cour de l’école, il sort enfin de sa torpeur effrayante et commence son cours enchaînant comme à son habitude, explications et interrogations.

Oubliés les masques, les élèves le regardent rassurés.

Merci au regard lumineux de Leïla qui aujourd’hui, l’a remis sur les rails.

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Une réponse à Le regard de Leïla

  1. Emmanuelle P dit :

    Le géant sombre et la petite lumière. Bel antagonisme.

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