Marie-Lou

Nous y sommes! Après quatre mois d’atroces souffrances, quelques brefs moments d’espoir rapidement balayés par la brutale évidence des résultats médicaux, aujourd’hui à 11 heures, notre très chère Marie-Lou va rejoindre les étoiles, jolie image pour tenter d’atténuer notre chagrin.

Elle ne verra pas le défilé du 14 juillet qu’elle regardait avec un émerveillement enfantin chaque année devant son téléviseur après avoir enfilé une coquette robe bleue, blanc, rouge et fardé son doux visage d’un léger voile de poudre doré. Fidèle dans le respect de cette tradition, Marie-Lou ne faisait pas cas de nos gentilles moqueries.

Et bam! cruelle réalité, le 10 juillet Marie-Lou toujours aux petits soins des uns et des autres avait donné son dernier souffle de vie, nous laissant famille et amis abrutis de chagrin dans une tristesse abyssale.

Elle était merveilleuse de joie de vivre et de générosité notre Marie-Lou, mais la mort s’en fiche!

Et bam! alors que nous sommes tous pris par notre quotidien, un jour la nouvelle tombe. La maladie dont le seul nom nous transit, touche l’un des êtres qui nous est le plus cher et quelques mois plus tard, la grande faucheuse passe par là.

La grande faucheuse, quelle horrible expression mais le chagrin me submerge et c’est l’image qui me vient à l’instant. Tant pis pour les âmes croyantes et les bonnes manières, c’est mon cœur qui parle et l’heure n’est pas à la retenue.

Il est 6 heures du matin, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. A 11 heures, nous diront au revoir à Marie-Lou. Elle ne vivra plus que dans notre mémoire et prendra la première place dans la galerie de nos souvenirs que la douleur maintiendra fermée pour un temps indéfini.

Un petit déjeuner rapide dans le jardin et soudainement, l’idée incongrue d’enfourcher mon vélo pour une ballade le long du canal. A cette heure matinale, je ne croiserai personne, je pourrai laisser couler mes larmes, je pourrai crier mon chagrin.

Marie-Lou, j’aurais tellement aimé que tu passes ton tour. Nous avions encore tant de choses à partager, de souvenirs à construire avec notre famille qui s’agrandit.

Et bam! la grande faucheuse ne t’a laissé aucune chance malgré ta volonté farouche de te battre pour rester avec nous.

Cette ballade à vélo est tout à fait hors contexte, j’en conviens. Je devrais plutôt m’appliquer à relire le texte que je lirai tout à l’heure à l’église pour te rendre hommage. Les enfants me l’ont suggéré avec beaucoup d’égard et de prudence et, sans prendre conscience de la difficulté de la tâche, je me suis entendue répondre oui. N’ai-je pas présumé de mes forces à contenir mes émotions, à retenir mes larmes qui perlent sans cesse au bord de mes yeux depuis ton dernier souffle et que je laisse couler à flots dans mes rares moments de solitude. Comment aurais-je pu refuser? C’eut été un manque de courage alors que toi, tu en as eu du courage dans ta bataille contre cette maladie qui t’a anéantie si violemment.

6h45, j’enfile un T-shirt et un short et me voilà partie sur mon vélo. La robe que j’aie choisie soigneusement pour t’accompagner jusqu’à ta dernière demeure (et bam! encore une formule toute faite), attends délicatement posée sur mon lit. Tu étais coquette en toutes circonstances, alors hors de question de ne pas être à la hauteur ma tendre Marie-Lou. Malgré mon immense tristesse je me préparerai avec soin et tout comme tu le faisais, je terminerai par un léger voile de poudre doré…

 

 

 

 

 

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Une réponse à Marie-Lou

  1. Aliette S dit :

    Merci pour ce texte que j’avais, je crois, découvert en atelier et aimé tout de suite. sa relecture est un même plaisir. J’aime l’évocation de cette Marie-Lou, de son apprêt, du voile de poudre doré qui recouvre, à la fin du texte, le chagrin de ceux qui restent.

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