Marteau

L’angoisse le terrasse. Le soleil se couche et se relève très vite, la nuit défile cent mille milliards de fois par minute. Le jour, pareil. Il est en même temps impossible de profiter des étoiles et de sentir le soleil sur sa peau. Il lui faudrait une concentration intense, méditative, dont il n’a pas l’habitude.

Il s’installe sous l’arbre épais. Il observe l’ombre touffue glisser sur le sol, en arc de cercle, disparaître dans le noir puis revenir. Il s’allonge. Il s’interroge sans dormir.

Comment vivre le temps maintenant ?

Il échoue à chronométrer ses pensées.

Il sort de son sac un carnet, un feutre noir très fin, et un feutre bleu, très fin lui aussi.

Il cherche la dernière page marquée. Bien qu’il puisse relire les notes sous la date, la date, elle, danse. Ses lettres gigotent.

Il notait toujours la date au-dessus de ses inscriptions et ce depuis plusieurs années, mais combien, et se sent bête de les voir danser comme ça devant lui.

Qu’elles dansent les dates, tant pis pour le temps.

Il regarde la prochaine page blanche, enlève le bouchon de son feutre noir ; le bleu ne sert qu’à la date et à quoi bon ; et entame l’écriture.

Comment écrire quand la lumière et l’obscurité se mordent la queue sans respiration ?

De frustration, il lance loin son carnet et croisent les mains sur son ventre.

Voilà que je n’ai plus rien à noter puisque tout se casse la gueule. Il est lui-même au milieu, se dit-il, d’une page blanche, encore qu’au milieu, il n’en sache rien, ce qui l’énerve d’autant plus.

Et toi, l’arbre ? Tu n’as rien à me dire ?

La plante reste silencieuse.

Où a donc disparu l’espace ? Où se trouve sa maison ? Sa famille ? Les oiseaux ?

Le ciel s’effiloche, tombe en lambeaux.

Il ne peut plus rien nommer, le jour et la nuit n’existent plus.

Peut-être rêve-t-il ? Il se demande.

Peut-être suis l’habitant du rêve d’un autre ?

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