Ton rictus, tu le gommes, tu le supprimes de ton visage. Son ironie me broie, m’atteint, transperce mon cœur. Mes yeux se fatiguent de te regarder. Je ne pensais pas qu’en toi existait une once de méchanceté et voilà ce que ce rictus, innocent, peut-être, saccage mon imaginaire.
Le carnaval battait son plein, et j’observais un clown triste enguirlander un clown souriant, sans pouvoir comprendre le sujet réel de leur discussion. Moi, je croyais que le propre du clown était de faire rire. Peut être était ce une bêtise qui avait mal tournée.
Quand celui qui gueulait fut parti, non sans avoir lancé une tarte au clown qui riait, je m’approchais afin de découvrir le fin mot de l’histoire.
Je n’ai rien fait qu’à mon habitude, mais en ce moment, il a l’ego fragile, le rideau tombe sur moi quand lui sort de scène, et je lui vole la vedette. Nous devrions échanger nos rôles selon lui. Il serait meilleur riant, mais moi je lui ai dit
Écoute bonhomme, sourire, c’est pas une partie de plaisir, c’est pas une récréation. Ça coince les muscles, ça assèche la bouche, ça colle la gencive. Mais je ne me sens bien que de rire.
Sur ce, il partit, trainant ses longs pieds rouges dans la boue. Je restais silencieux. J’observais le chapiteau rouge décoré d’arabesques dorées tout en engloutissant l’ironie de deux clowns en colère qui perdaient leurs amitiés.
Je rattrapais le clown au rictus, qui ne faisait que sourire, pour lui demander, ne peux-tu sauver votre amitié ?
Sauve-moi, sauve-moi, j’en ai ma claque aussi de ce gars-là, qui ne se sort jamais seul d’une galère. S’il n’est pas content, il peut débarrasser le plancher.
D’ailleurs, je m’en vais lui dire ses quatre vérités, moi aussi, à ce lâche imbécile, qu’il comprenne où c’est que je me tiens, bien droit, dans mes chaussures. Non mais sans blague.
Le clown détale vers la roulotte où habitait son pote triste. Je le suivais, failli être écrasé par un éléphant qui passait.
Le clown souriant frappa la porte. Le clown triste l’ouvrit. Et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, les deux pleurant à chaudes larmes, et balbutiant des excuses.