Dans les dédales de la Gare de Lyon

Il n’y a rien à gagner à se perdre dans le labyrinthe de la Gare de Lyon. J’errais dans ses dédales, le regard rivé vers des indications qui ne me renseignaient absolument pas sur ce que je cherchais à rejoindre : le train pour Fontainebleau. J’avais un œil sur la montre, ne cessant de douter : comment savoir si j’aurais le temps de monter dans le 10h01 ? J’étais au bord d’abandonner. Après tout, me glissait à l’oreille une petite voix que je connaissais très bien, après tout, est-ce un mal ou est-ce un bien de louper le train ? De renoncer à la balade en forêt ? Je pourrais remonter au chaud, faire un gâteau, prendre un bouquin et me reposer… Pourquoi courir tout le temps ? Rêver de grand air quand on est si bien dedans ? Braver le froid quand on a la chance de pouvoir se tenir au chaud ? Cette petite voix perturbait l’autre, qui défendait sa cause. Magne-toi ! L’écoute pas ! Si tu te débrouilles bien, tu l’auras ton train ! Là-bas, rappelle-toi, il y a le silence de la forêt en hiver, l’odeur de la terre glacée, de rares promeneurs et l’occasion de voir ce qu’on ne peut pas voir quand il y a du monde. Il y a le ciel dans les arbres dénudés, le corps qui se réchauffe à grandes enjambées.

 

Comme la forêt, la Gare de Lyon est parsemée de pièges et de petits miracles, comme ce panneau surgissant tout à coup devant mes yeux : Grandes lignes. J’ai ressenti une onde de plaisir face à cette surprise et j’ai galopé. Pas le temps d’attraper un café pour la route mais le train de Montargis était indiqué sur la voix M et quelques pas m’en séparaient. Tant pis pour le ticket. Fontainebleau me coûterait peut-être cher, mais l’horizon d’une journée en forêt s’imposait maintenant à moi, quoiqu’il en soit. Ça sonnait sur le quai quand j’ai bondi dans le premier wagon. Le train s’est aussitôt ébranlé, j’ai cherché dans mon portefeuille et trouvé un ticket, pas composté, mais un ticket quand même. J’ai repris mon souffle et j’ai allumé mon portable. J’ai lu sur le désarroi des Anglais, noté ce bon titre de Une du Sun of Sunday : Harry’s pain ou le penalty manqué de Harry Kane dont je découvrais tout, le nom, le visage et le talent. J’ai lu un article sur cette ville du Kazakhstan restée une semaine sans électricité par -30° dont le sort n’avait pas ému autant ici que le foot au Quatar. J’ai lu qu’un otage allemand, détenu depuis plus de quatre ans au Sahel venait d’être libéré. J’ai lu que M’Bappé n’avait pas marqué. Quand j’ai levé les yeux de mon téléphone, le train traversait la forêt. J’ai réalisé que j’avais oublié, ou pas eu le temps, d’acheter un sandwich. En 2023, je pourrais décider enfin de les préparer moi-même, les sandwiches. C’était quand même vite fait, un sandwich.

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2 réponses à Dans les dédales de la Gare de Lyon

  1. Emmanuelle P dit :

    Ah, la gare de Lyon et ses sorties qui ne sont pas toutes signalées ! J’ai un instant imaginé que perdue dans les échanges entre les 2 petites voix, tu aurais pris un autre train que celui pour Fontainebleau. Comme un chat, tu es retombée sur tes pattes.

  2. Cécile C dit :

    Ah, Emmanuelle, tu veux dire la troisième voie ! Ah ah ! Ni moi ni mon personnage n’y avons pensé ! Je garde l’idée, car la troisième voie nous sort souvent de bien des dilemmes !

    Merci pour ta lecture et à bientôt,
    Cécile

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