Les couleurs de la mésange

Tous les jours, je colorie ma vie. Bien plus littéralement que certains pourraient le penser. J’ajoute de la couleur à l’intérieur de ces traits noirs. J’égaye les feuilles blanches. Comme pour colorier le gris de mon cœur. Ironiquement, je le fais seule enfermée dans ma chambre. j’étale les crayons, je choisis le dessin et je passe des heures à lui donner vie. Juste pour pouvoir esquisser un sourire devant le résultat. Pourtant, c’est toujours de courte durée. Une fois que mes yeux quittent le papier, le gris revient. Le froid efface la chaleur des couleurs. Je n’aime pas le froid. Celui qui enserre mon cœur et me rends dure comme la pierre. Le coloriage est la seule façon que j’ai trouvé de la combattre. Aujourd’hui ne déroge pas à la règle. Même le soleil et la douceur ne chasse pas le froid. Aucune raison de leur courir après dehors. C’est bien mieux de rester dans le confort et la sécurité. De voyager à travers les dessins et les couleurs. Mais aujourd’hui, de petits bruits viennent sans cesse me tirer de ma concentration. Je décide d’abord de les ignorer. Je persévère sur mon coloriage. jusqu’à ce que je décide d’écouter les petits bruits et de les suivre. Je quitte mon bureau et me dirige vers le salon. Là une mésange me regarde par la fenêtre. A intervalles plus ou moins réguliers, elle tape son bec sur le carreau. J’ai l’impression qu’elle m’attends, mais c’est absurde ! Pourtant, elle ne s’arrête pas. Je décide de la chasser et de retourner à mon activité. J’ouvre en grand la fenêtre et fais de grands gestes en sa direction. Elle ne bouge pas mais à présent elle émet de petits sons comme pour me parler. J’ajoute des sons à mon tour en plus des gestes. Cette fois-ci, elle s’envole vers l’arbre puis revient aussitôt. Je soupire puis mon regard se dirige vers le jardin. Les arbres derrière les hauts murs de pierre bruissent doucement. C’est paisible. La mésange pépie comme pour me rassurer puis elle se pose sur ma main avant de repartir vers l’arbre. Elle semble m’inviter à la suivre. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai envie de sortir. En un instant, je me décide pour ne pas me dégonfler. Je note quelques mots sur un papier pour annoncer que je sors. Puis, je m’habille et me retrouve dans le jardin. Je prends quelques minutes pour observer les alentours et connaitre à nouveau cet espace. La pelouse bien tondue. Le parterre de crocus violets. Et les grands arbres au loin. La mésange fait à nouveau son apparition pou m’emmener vers le portail au fond. Il mène au sentier de promenade. Un accès privé que j’empruntais souvent avant. Avant le froid. Qui n’est étonnamment pas très présent à cet instant. Je passe le portail et descend vers le sentier. Celui-ci zigzague au milieu des arbres et des champs. Je retrouve le son du gravier sous mes pas. Des croix et des flèches sur les arbres marquent les chemins de randonnée. Je ne choisis pas. Je suis toujours la mésange. Elle vole devant puis dans la demi-lune d’un virage, elle se pose sur un banc à l’ombre. A l’époque, je m’y asseyais pour lire, écrire et écouter le silence. Je décide de ne pas m’y arrêter et je continue. Comme portée par le vent. Ma promenade est ponctuée de personnes. A bicyclette ou à pied. Je n’y prête que peu d’attention. J’avance avec ou sans but, je ne sais pas vraiment. Je dépasse le champ où j’allais m’allonger pour regarder les étoiles. Au croisement, je découvre une nouvelle boite à livre en bois. Je m’y arrête et entends le cri furieux des goélands. Je suis le bruit et enfin je vois les vagues. Je respire et regarde l’étendue bleue. Pour la première fois depuis longtemps, le froid reste loin et les couleurs sont ailleurs que sur la feuille.

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