Je me souviens.
Comme une réminiscence.
Comme une vague. En hiver.
Ta silhouette. Echarpe au cou, les yeux plissés vers le ciel. Visage chauffé. Tu te tais.
Tu sais parfois m’envoûter de ta voix chaude. Ce timbre qui me rappelle un soleil d’hiver. Cette voix grave qui s’efface par moment derrière la colère froide qui t’anime.
Alors je me cache ; je m’éloigne en quête de chaleur. Si elle n’est pas humaine, ce sera celle d’un poêle à bois.
Après le refroidissement vient la tiédeur ; je t’offre mon dos, le dessus de ma tête. Doucement. Je vais chercher ta main. Je me frotte à ton bras. Tu me regardes enfin. Tes mâchoires se desserrent, tu soupires bruyamment. J’insiste ; j’esquisse un appel léger de ma voix câline.
Ça y est, nos corps sont en contact. Je ronronne, et je sens ta respiration s’adoucir. Tu poses ta main sous ma tête, tu grattouilles mon cou. J’adore ! Je ferme les yeux.
Une sonnerie trop stridente pour mes oreilles sensibles rompt le charme. Tu dis « Allô ? », et tu t’énerves : « Où es-tu ? Qu’est-ce que t’as encore foutu ? »
Tu grondes avec ta voix qui était en train de se réchauffer, mais de tes yeux perlent des larmes.
Au soleil d’hiver, loin de ses chaussures, Pépé a les pieds dans l’eau.
Il a encore fugué. On l’a encore laissé sortir. « C’est un original », tu m’as dit. « Pépé se travestit, il met du rouge à lèvre. Tu comprends ce que je te raconte ? ».
« Miaoui », je réponds. Tu peux me réciter le dictionnaire avec ta voix chaude.
« Et si je te laissais avec lui à l’EHPAD ? Tu serais un repère pour Pépé. T’aurais une vie de pacha ! ».
Je ne miaule plus.