Lybsia a un passe-temps étonnant et finalement assez commun. Elle passe une heure de son temps tous les jours assise sur un banc à observer les gens. Mais pas que, elle leur invente des vies. plus rocambolesque les unes que les autres. quelqu’un qui hésite à un croisement devient le héros d’une histoire avec un choix impossible qui va changer sa vie. Elle n’écrit rien, ne dit rien. elle observe juste. Une fois l’heure passée, elle retourne dans son appartement plus proche du ciel que de la Terre. Et alors, c’est un tout autre rituel qui se met en place. Elle se décharge du monde extérieur à part les histoires inventées. Elle les tourne dans sa tête le temps de se préparer une grande tasse de thé; Elle joue avec elles. Les arrangent entre elles. Ne gardent que celles qui la font vibrer. Puis elle s’installe à son bureau face à la fenêtre. Elle regarde les toits qui s’étendent à perte de vue pendant un instant. Elle vide son esprit pour trouver l’histoire. Celle du jour. Celle qui s’impose au-dessus des autres. Une fois que c’est le cas, elle entreprend de l’écrire. Aujourd’hui, quelqu’un a fait demi-tour au milieu du parc sans même s’arrêter. Elle est devenue une super espionne qui s’est soudain souvenue d’un élément qui pourrait sauver le monde. Il y a des centaines de dossiers et de fichiers remplies d’histoire. Il y a des personnages récurrents et d’autres qui ne font que passer. Certaines histoires s’emmêlent et d’autres restent seules. Et très occasionnellement, Lybsia n’écrit rien. Elle laisse l’histoire se dérouler dans sa tête. Cette activité rythme ses journées. Elle apaise son esprit. Elle pense à la vie des autres au lieu de la sienne. Et les jours s’écoulent ainsi. Quelqu’un traverse. Quelqu’un regarde. Quelqu’un frappe. Quelqu’un s’accroupit. Quelqu’un s’approche. Quelqu’un chante. Quelqu’un tapote. Jusqu’à ce qu’un jour quelqu’un écrive. Lybsia arrive comme toujours à la même heure. Mais il y a une personne assise sur le banc. Sa chevelure rousse recouverte d’une capuche cache son visage. Elle a un pied sur le banc et un pied qui se balance dans le vide. Sur sa cuisse relevée, elle tient un carnet. elle semble écrire sans se soucier du monde autour. Tout le contraire de Lybsia. Celle-ci s’assoit à l’autre bout du banc. Elle observe non pas au loin mais juste à côté d’elle pour une fois. Elle observe mais elle n’invente pas. Elle observe juste la personne écrire. Sans honte et sans se cacher, elle la regarde avec intensité. Ceci semble attirer l’attention de la personne qui lève alors la tête. Elle regarde autour puis identifie Lybsia comme la distraction qui la tire de son écriture. Elles se regardent longuement, puis Lybsia se rappelle ses manières :
« Désolée vous étiez tellement concentrée que je n’arrivais pas à détacher mon regard.
-Pas de soucis, cela arrive souvent. Je m’appelle Esmé.
-Lybsia. »
Elles se serrent la main. Et pour la première fois, Lybsia n’a pas envie d’inventer d’histoire mais de connaitre celle qui existe.