Puits clos

Par cette journée ensoleillée, Anne aurait voulu se baigner mais elle se trouve loin de tout point d’eau. Il y a en plus une coupure d’eau dans son immeuble qui la fait moyennement rire. Anne veut à tout prix éviter de transpirer même si en soit cela lui aurait fourni de l’eau sortie de son puits intérieur.
Anne respire de manière approfondie et non pas profondément, en effet, elle tente de s’accrocher à chaque petite pensée d’évasion. Elle écoute le battement d’ailes de la mésange. Elle se raconte des histoires au moins rafraîchissantes, tout en analysant le sens du vent. Elle s’imagine sous une cascade d’eau tiède, les cheveux dégoulinant. Dans cette rêverie, sa pudeur ne la défend plus, elle est complètement nue et se sent juste vivre.
Anne attend. Anne attend que quelqu’un, elle ne sait pas qui, remette le compteur d’eau en route. Anne attend à la fenêtre et attrape des bouffées d’air chaud entremêlées de petites brises. Les feuilles dansent dans les branches, elles frétillent. Elles ont l’air de plus apprécier la météo. Le vent siffle dans les branches et les feuilles fredonnent une douce mélodie.
Anne a chaud, très chaud. Elle voudrait hurler sur l’imbécile qui a choisi ce jour de canicule pour décider de la coupure d’eau. Et puis, elle se ravise. Si elle s’énerve, elle aura encore plus chaud. Alors elle décide de pardonner cette décision qui n’a aucun sens. Tout de même, il ou elle aurait pu en parler. On ne coupe pas l’eau un week-end caniculaire, c’est complètement incohérent.
Anne s’affale sur le canapé. Elle se raconte comment la scène a bien pu se passer. Elle tente une version, une autre, tous les chemins lui démontrent qu’il s’agit d’une bien belle connerie. Elle attrape un livre, n’importe lequel, histoire de se poser et d’attendre que l’eau revienne enfin couler de ses robinets.
Anne, alanguie, s’endort le livre ouvert sur le ventre. Elle n’a lu qu’une dizaine de pages. L’histoire est triste, cela lui a donné envie de pleurer, encore de l’eau qui se serait échappée de son corps. Anne bouge à peine dans son sommeil. Le livre s’élève et s’affaisse à chacune de ses respirations.
Rien ne se passe. Tout est calme, presque trop calme.
Une heure plus tard, Anne se réveille, la bouche pâteuse, les cheveux collés sur les tempes. Elle essuie la commissure de ses lèvres où un filet de bave a coulé. Elle se lève péniblement, ouvre le robinet de la cuisine pour boire de l’eau. La source est toujours tarie.

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