Saison 1 épisode 15

Amélyse, emmitouflée dans sa couverture, la main dans le pop-corn, a le souffle coupé. Sur le grand écran devant elle, quelqu’un frappe. Sur le plan d’avant, une ombre, une silhouette, masculine ou féminine, ce n’était pas très clair. En tout cas, quelqu’un qui traverse vite puis qui fait demi-tour, se cache derrière un tronc d’arbre. La nuit tombe, la silhouette hésite, est-ce le bon moment, faut-il attendre quelques instants encore.
Quelqu’un regarde par la fenêtre, le voilage a légèrement bougé.
La silhouette, dehors, écrase son mégot de cigarette. Elle s’approche enfin ou déjà, selon le point de vue. Le personnage, dedans, s’accroupit parce qu’il a entendu du bruit, des feuillages froissés. Il prend le téléphone et tapote fébrilement. Appeler la police, appeler les secours. Vite. Mais quoi leur dire. Plus personne ne s’étonne de rien. Les deux personnages se rapprochent, ils avancent l’un vers l’autre, seule une porte les sépare.
Dehors sa chevelure est recouverte d’une capuche, dedans son souffle est arrêté, en apnée. Le plan s’élargit sur le jardin aux végétaux sagement rangés.
Le générique défile.
Amélyse reste bouche bée, une poignée de pop-corn à la main qui ne trouve plus le chemin jusqu’à sa bouche. Elle reste prostrée quelques secondes et hésite entre la frustration d’être interrompue en plein suspense et l’envie coupable de regarder l’épisode suivant alors qu’il est 3 heures du matin.
Elle arrivera encore les yeux cernés au travail demain matin, enfin demain en fin de matinée, prétextant une panne de réveil. Personne n’y croira évidemment, elle la première. Personne n’osera se moquer en public de sa tête encore endormie.
Il y a deux clans au travail, ceux qui, comme elle, sont accrocs à la série. Ils débriefent à la machine à café en s’assurant bien de savoir où chacun en est pour ne pas spoiler l’histoire. Et il y a ceux exclus de leur monde parce qu’ils ne suivent pas la série phénomène du moment.
Amélyse souffle sur son café et boit une gorgée. Liam commence le débrief.
– Mais tu ne t’es doutée de rien quand ils filmaient les ombres dans les allées des bois ? Je suis sûr qu’il s’est passé un truc louche dans les bois.
– Ouais, c’est sûr, c’est obligé.
– Tu sais, je suis allé sur le site de la fan base et tu sais ce qu’ils ont écrit ?
– Ben non, dis.
– Ils disent qu’il faut se méfier du coq aux alentours.
– Quel coq ?
– Ah merde ! T’as pas encore vu. C’est dans l’épisode 12.
– Ben si, j’ai vu, j’en suis au 15 et demi. J’ai craqué, j’ai vu la moitié du 16 cette nuit.
– Ah ok. Ben dans l’épisode 12, rappelle-toi : Le plan s’enfonce dans les allées des bois, de plus en plus vite et on entend au loin un coq chanter.
– Hein ?
– Et puis, le plan suivant, on est dans la cuisine et la femme dit à son mari « si par hasard ou par bonheur, il y a un coq aux alentours. »
– Ah oui, je me souviens vaguement mais ça n’avait aucun sens.
– Justement, je pense qu’on va savoir bientôt.
– Et tu crois vraiment que le coq est la clé du mystère ?
– J’en sais rien mais j’ai une théorie.
– Laquelle ?
– Et bien, la femme fait tout pour rendre fou son mari.
– Franchement, j’y crois pas.
– Réfléchis bien. Elle leur invente des vies, à son mari, à cette silhouette qu’elle pense apercevoir de l’autre côté de la rue, elle s’invente aussi une vie qui n’est pas la sienne. Je pense qu’elle est folle, que rien n’existe.
– Mais bien sûr Liam, c’est forcément la nana qui est folle et qui a des hallucinations !
– J’ai pas dit ça !
– Un peu quand même. Pourquoi ça serait pas son mari le manipulateur pervers ?
– Putain Amélyse, on va pas entrer dans ce débat pour une série, non ?
– Ouais t’as raison. N’empêche, j’aimerais bien connaître le fin mot de l’histoire. Et puis c’est qui le type, cette ombre qui les suit tout le temps ?
– Franchement, aucune idée, à chaque théorie que j’avance, ça tombe à l’eau l’épisode suivant.
– Tu crois qu’il va y avoir une saison 2 ?

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2 réponses à Saison 1 épisode 15

  1. Aliette S dit :

    Haha ! Cette mise en abime dans le texte « Elle leur invente des vies, à son mari, à cette silhouette qu’elle pense apercevoir de l’autre côté de la rue », avec Amélyse qui s’invente des vies en bouffant des séries et l’écrivante de l’atelier qui invente les vies d’Amélyse et de Liam !
    Super !

  2. Marija D dit :

    Merci Aliette pour ce retour et cette analyse.
    J’y penserai à la prochaine silhouette qui traverse une rue 🙂
    Très belle semaine

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