Sam

De temps en temps, elle pense à Sam et lui invente une vie. Elle ne sait plus grand chose de lui, sinon qu’il habite toujours cette même maison de l’enfance.

Ensemble, ils parcouraient les allées du bois, et si par hasard ou par bonheur, ils entendaient un coq chanter alentours, une joie malicieuse et pure les envahissait. C’était leur secret, leur lien caché. Le chant du coq les réunissait dans la même complicité.

Elle y songe en parcourant le petit chemin dans le jardin tristounet et vraiment trop bien ordonné de son point de vue. S’il est à l’image de la vie de Sam, elle l’imagine affreusement banale et conventionnelle, sans beaucoup d’intérêt. Son cœur se serre. Elle réalise à quel point probablement, ils se sont éloignés l’un de l’autre, à quel point leurs vies n’ont sûrement plus rien à voir l’une avec l’autre. Ils n’ont sans doute rien à se dire.

Elle a le sentiment d’une faille qui se creuse dans son histoire, d’une page définitivement tournée. Elle ne sait pas si elle en est vraiment triste ou simplement indifférente.

Sur sa chevelure recouverte d’une capuche, le ciel d’hiver s’est mis à envoyer une de ces petites pluies fines et glacées dont il a le secret et elle presse un peu le pas.

Elle a franchi la barrière et repris la route.

Un peu plus loin, elle passe devant ce qui fut la maison de sa propre famille. Ils en sont partis il y a bien longtemps. Elle réalise avec un peu de honte qu’elle ne sait même pas si et comment elle a dit au revoir à Sam. Probablement que leurs chemins avaient commencé à diverger bien avant. Ils n’étaient pas allés au même collège, et ensuite l’internat les avaient tenus éloignés du village toute la semaine.

Elle passe devant cette maison qui fut la sienne avec une certaine curiosité teintée de mélancolie. Elle cherche à retrouver à travers les fenêtres, quelques bribes de souvenirs des années qu’elle y a passé.

Sur la route, au loin, quelqu’un apparaît, qui marche vers elle. Une silhouette vaguement familière et étrangère tout à la fois. Elle s’arrête un instant, puis reprend sa marche. Leurs deux silhouettes se rapprochent et avancent l’une vers l’autre. La pluie redouble et les cingle.

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