L’illusion poursuit son chemin

Quatre jours déjà et elle continue.
L’illusion poursuit son chemin, pieds nus, passant de relief en relief, traversant des montagnes si hautes qu’elle croit traverser le ciel.
Elle n’a pas le choix si elle veut savoir qui elle est.
Jusque-là elle avait vécu sa vie sans trop se soucier de savoir qui elle était.
Elle était, c’était déjà bien.
Elle souriait, elle jouait avec les autres, les berçait, elle leur racontait des histoires.

Et puis un jour, l’homme avait crié « Tu n’es qu’une illusion ! ». Il avait la rage dans les yeux, dans la voix et tout son corps lui hurlait cela comme une insulte. Elle ne comprenait pas. Tout le monde n’était-il pas une illusion ? C’est ce qu’elle avait toujours cru en tous cas. Elle pensait que c’était comme cela qu’on faisait aimer. D’ailleurs, jusqu’à maintenant, personne ne lui en avait fait le reproche. Jusqu’à ce matin où les mots de l’homme l’avaient frappé au thorax et elle n’avait rien pu répondre car elle ne comprenait pas.

Alors elle était partie comme il l’avait trouvé : pieds nus, avec un pull en laine et un jeans délavé. Elle avait suivi ses pieds. Sa tête c’était absentée. Quand elle était sortie du brouillard, elle était en haut de la montagne la plus proche de chez elle.
Il faisait bleu nuit et un peu froid. Ses pieds étaient constellés d’épines de pin et d’autant de gouttelette de sang. Sortant de sa torpeur elle c’était aperçu que c’était douloureux.

« Tu n’es qu’une illusion ! ». Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire. Elle s’assoupit sans trouver la réponse.

Quatre jours déjà. Elle n’avait pas voulu revenir en arrière. Elle avait continué à suivre le paysage, à franchir les torrents. Elle avait mis son cerveau en pause pour arrêter de comprendre. Elle était arrivée à un lac, avait enlevé son pull, son jeans et c’était jeté à l’eau. Elle était repartie laissant là ses vêtements.
Le soir elle avait agrandi un terrier et c’était emmitouflée de feuille.

Ses cheveux qu’elle avait eu si beau étaient maintenant plein de nœuds.
Sa peau qu’elle avait eu si douce était pleine d’égratignures et d’écorchures.
Ses ongles qu’elle entretenaient avec soin étaient maintenant pleins de terre.
Sa bouche avait perdu toutes traces de ce rouge à lèvre de luxe que son mari lui offrait chaque année. Maintenant des coulures de baies séchées entouraient ses lèvres.
Des coulures de mascara étaient encore visibles sous ses yeux. Elles disparaitraient dans le prochain torrent.

Le Cinquième jour, elle avait rallumé son cerveau. Elle avait compris qu’il n’y avait rien à comprendre. Elle savait que maintenant, elle n’était plus une illusion.

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