Je vous aime. Trois mots piochés au fond de son cœur. Trois mots écrits sur un papier. Une déclaration. Une attente inespérée. Une histoire d’amour qui commence. Une histoire d’amour inachevée. Une histoire qui se termine par ces trois mots qui pèsent tellement ou au contraire vidés de leur sens s’ils sont dits sans sentiment.
Dans le soleil éclatant du mois de février, ces trois mots tentent de se frayer un chemin sur une carte, sur un papier, dans la bouche de quelqu’un. Ça fait tellement longtemps que personne ne se voit, tellement longtemps que les regards ne se croisent plus. Alors l’espoir d’entendre ou d’exprimer ces trois mots est devenu ténu, tellement que le dernier lien est prêt à craquer.
L’illusion poursuit son chemin. Justin sent la pression monter chaque jour un peu plus. Il a conscience des mois qui ont défilé. Il avait voulu changer de vie, prendre un nouveau départ. A chaque fois, ça avait été un faux départ, bloqué dans les starting-blocks, un faux départ dans un plongeon précipité. Justin n’avait jamais été doué avec sa gestion du temps et, de fait, son timing n’avait jamais été le bon. Déjà à sa naissance, il avait été prévu à une date, il avait essayé de sortir avant, fausse alerte. Il avait eu alors une flemme monumentale d’avoir été coupé dans son élan. Il avait croisé les bras dans le peu de place qu’il lui restait et avait décidé : puisque c’est comme ça, je reste là.
Sa vie avait été une succession de j’y vais, c’est le bon moment, allez je me lance et boum il se prenait un mur en béton armé et il restait là, juste là, comme ça.
Justin est assis dans son canapé qui garde la marque de ses fesses enfoncées.
Avant son départ, Haïko avait voulu dire au revoir. Mais sa pudeur l’en avait dissuadé. Il a quitté le Japon avec une enveloppe pleine de photos pour les jours où son pays lui manquerait trop. Le voyage en avion lui a paru à la fois long et court. Long car le vol dura effectivement plus de dix heures. Et court car qu’est-ce que ça représentait dix heures dans toute une vie, surtout lorsque pour lui, ce départ, ce vol à travers des nuages blancs lui avait donné la sensation de se laisser tomber dans les airs sans atterrissage.
Haïko est parti depuis plus de dix ans maintenant, dans un autre pays, dans une autre culture. Un pays, une culture qui ne comprend pas sa pudeur, qui le croise dans le métro, dans la rue, sans jamais vraiment le voir.
Sally aussi vient d’un autre continent mais pas du même qu’Haïko. Sally aime la vie, elle a juste peur du noir, de la nuit. C’est une artiste dans tous ses gestes, dans toute sa vie. Elle arbore des robes à fleurs multicolores. Elle peint des toiles qui remportent un certain succès, surtout au mois de février lorsque les gens veulent oublier le gris de Paris.
Elle a son petit spot place du Tertre, ses tubes de gouache, ses aquarelles. Elle a souvent les doigts sales, pleins de peinture séchée qu’elle ne veut pas vraiment faire partir.
Elle peint des paysages, des foulards rouges tachetés de jaune enroulés sur un piquet derrière une dune. Elle peint aussi des gens mais jamais leur visage. Elle aurait aimé retrouvé la sensation de leurs joues, de leurs larmes qui coulent du coin de l’œil. Mais le papier ou la toile ne lui permettent pas de faire ressortir du vivant. Sally peint les morts avec un arc-en-ciel de couleurs pour que jamais, au grand jamais, la tristesse et le deuil ne la rattrapent.
Raphaël a beaucoup d’ego. Beau gosse, sans concession. Sa routine se résume à la salle de sport, manger des protéines et s’admirer devant le miroir. Raphaël est un beau gosse, il le sait. Sa mâchoire carrée manque toutefois d’un grand sourire enjoué mais ça Raphaël ne se l’avoue jamais. Du moment qu’il est et reste beau gosse, la vie ne peut être que belle et merveilleuse.
Jessica s’est assise sur un banc dans le parc, son livre ouvert sur ses genoux, le regard perdu au loin dans l’horizon. En bas, il y a le manège, en haut le Sacré-Cœur. Son regard balance de l’un à l’autre, accrochant au passage des guitaristes, des danseurs de hip-hop, des vendeurs de Tour Eiffel à la sauvette. Jessica voit passer un jeune homme tourmenté avec un bouquet de fleurs. Des fleurs d’une banalité sans nom, pense Jessica. Il a bien raison d’être tourmenté le ouistiti, c’est un bouquet sans rien, sans odeur, sans épines, sans couleurs.
Artémis sent l’alcool, sa transpiration sent l’alcool. Il a les cheveux longs, ébouriffés, une barbe un peu longue. Artémis, ce n’est pas son vrai nom. Il ne se souvient plus vraiment quel est son nom. On l’avait surnommé Artémis dès le collège quand ils avaient étudié les Trois Mousquetaires en même temps que la mythologie. Il avait la gueule de l’emploi.
Artémis a souvent une clope au bec, un crayon calé sur son oreille, un cahier à portée de main. Artémis y jette quelques vers de poésie. Selon son humeur du jour, ses espoirs déçus, il écrit toutes les larmes de son corps, tout l’amour de son cœur. Tu es mon essentiel revient souvent, où es-tu ? beaucoup trop souvent.
Morgane est toujours pressée. Même quand elle a le temps, elle enfile sa tenue de sport et court en montant les marches de plus en plus rapidement jusqu’au sommet. Arrivée en haut, elle a envie de lancer ses bras au ciel comme Rocky à Philadelphie. Mais Morgane n’ose pas. Impossible pour elle de lâcher prise. Impossible pour elle d’être hors de contrôle. Sa vie est rythmée, trop rythmée. Tout doit aller vite, très vite. Elle ne veut jamais que la journée finisse.
Justin joue à cache-cache avec sa vie. Il habite au quatrième gauche, enfin la dernière fois qu’il est sorti de chez lui, c’était ce qui était écrit sur sa sonnette. L’apathie de Justin s’ennuie. De son canapé, il regarde par la fenêtre et aperçoit des cordelettes qui pendent, du mouvement dans l’air.
Haïko fait le code du portail, il a un doigté extrêmement délicat, il s’applique à chaque fois, comme lorsqu’il fait son code de carte bleue. Il appuie sur le 7, le 6, la lettre B, le 1, le 3. Ça ne s’ouvre pas, il s’est trompé, il a inversé. Il recommence après avoir repris sa respiration. Le 7, le 3, le B, le 1 et le 6. La porte sonne et s’ouvre. Il croise la gardienne qui lui fait un signe rapide, elle a un million de choses à faire.
Sally a vendu quelques toiles aujourd’hui, des cartes aussi qui peuvent servir de marques-pages. Il commence un peu à faire froid et il n’y a pas beaucoup de clientèle à vrai dire, pas de touristes non plus, en tout cas pas de touristes émerveillés par la ville lumière. Elle remballe doucement son matériel.
Raphaël sort de la salle de sport, une serviette blanche autour du cou, il bande ses pectoraux quand il s’essuie. Chaque geste est minutieusement calculé pour qu’il paraisse encore plus beau. Raphaël en est persuadé : les gens le regardent, les gens l’admirent, ils ont besoin de le voir pour que leur vie ait un sens, pour qu’il y ait du beau, de l’esthétique dans leur vie minable.
Jessica essaie de lire quelques lignes, un paragraphe, une page, un chapitre. Elle se laisse distraire facilement, trop facilement. Son quartier est vivant et elle aimerait en faire partie. Elle est toujours assise dans un coin, à attendre, elle ne sait même pas quoi.
Artémis déclame ses vers. Il reçoit des regards réprobateurs. Encore un alcolo accusent-ils. Artémis s’en fout, il cherche où est son essentiel et s’il l’appelle fort, très fort, elle apparaîtra. Pour lui, c’est certain, c’est évident.
Morgane descend la rue des Martyrs d’un pas vif. Elle fait le code 73B16, elle pousse la porte avant même qu’elle ait le temps d’enclencher le pêne. Elle n’a pas remarqué qu’elle a doublé la voisine. Elle est surprise de l’apercevoir dans le chambranle. Morgane retient la porte pour la laisser passer avec ses bras chargés. Raphaël lui passe devant, en la bousculant sans un bonsoir, sans un pardon. Morgane soupire entre Sally qui met des plombes à passer et ce goujat de Raphaël. Elle aurait préféré ne pas perdre de temps. Elle entend la gardienne crier à tue-tête : « Simon, va aider Madame Benetti s’il te plaît, elle s’est encore lancée dans une folie et je voudrais pas qu’elle se casse la binette ! »
Au crépuscule, Jessica se décide enfin à rentrer chez elle. Elle descend les marches en jetant des coups d’œil implorants au Sacré-Cœur. Elle hésite à faire un tour de manège puis se ravise, ça la fera rester dehors un peu plus longtemps. Ça lui réveillera son âme d’enfant. Elle choisit un cheval, elle grimpe à califourchon, tient les rênes et crie au galop, hue ! Elle rit, elle oublie qu’elle n’est plus une enfant depuis longtemps. Elle remercie le forain et descend le cœur léger. Arrivée devant le portail, son cœur sursaute.
Artémis crie Hilda, Hilda, reviens-moi, Hilda, Hilda, mon essentiel, reviens. La gardienne l’avertit : « Monsieur Artémis, c’est pas bientôt fini ce boucan ! Tous les soirs, c’est la même chose. Je sais que vous voulez la revoir Hilda mais Monsieur Artémis, elle est partie, vous vous souvenez, elle est partie au ciel avec les anges. Hein, Monsieur Artémis, ça va aller, on est là, nous. » La gardienne lui met une tape sur l’épaule et fait un clin d’œil à Jessica. Sans transition, elle crie :
– Simon, t’as entendu ce que je t’ai dit tout à l’heure. Vas voir Madame Benetti s’il te plaît. Elle est en train de tout retourner.
– Ben oui, j’t’ai entendu, je suis juste revenu chercher du matos. Au fait, elle m’a dit de te dire…
Il lui chuchote quelque chose à l’oreille que personne à part la gardienne n’entend.
– Madame Benetti, j’arrive, attendez-moi, ne faites pas de bêtises, j’ai pris un escabeau un peu plus haut aussi au cas où.
Simon part en chantonnant : « je rafistole avec de la colle. Je rafistole avec de la colle. »
La gardienne passe un coup de balai sur le trottoir puis à l’intérieur de la cour. Il faut que tout soit nickel. Elle passe la serpillère avec un produit qui sent bon le printemps. Elle balance le seau sur le trottoir et s’arrête quelques instants pour regarder l’eau couler jusqu’au bord du trottoir. Elle imagine des bruits de cascade chaude lorsque l’eau savonneuse s’infiltre à travers les grilles d’égout.
Elle ferme la porte. Tout est propre. Elle connaît le plan. Rien ne sera plus jamais pareil. Il est grand temps. Simon revient tout content, tout fier.
– Ça y est, c’est prêt. J’ai ajouté aussi quelques guirlandes lumineuses pour Madame Sally sinon elle aura trop peur.
– T’as bien fait Simon, c’est une super idée. Et Madame Benetti, ça va ? Elle est contente du résultat ?
– Je veux mon neveu ! Elle a même dit que c’était à la hauteur de la gravité de leur plaie.
– Ça ne peut que leur faire du bien alors, peut-être même les rendre heureux.
– Elle m’a aussi demandé à ce que vos montres soient synchronisées pour ne pas rater le coche.
– Oui, oui, je sais, on a synchronisé tout à l’heure. Elle m’a dit, on fait ça à 21h23 pile comme ça, ils auront normalement tous dîné et normalement aussi ils ne seront pas couchés !
– Parfait, parfait, j’ai hâte. Qu’est-ce qu’on mange nous ?
– Des crêpes pardi !
– Ah bon ? Mais les crêpes c’est pas un dîner !
– Ouais mais c’est bon !
– C’est vrai, c’est bon et puis tes crêpes sont toujours délicieuses. On pourra manger du chorizo aussi ou quelque chose de salé au moins ?
– Oui, Simon, je sais sinon tu meurs de faim. On va se faire des petits tapas et des crêpes.
– Parfait, je mets la table.
Un silence d’or s’installe dans l’immeuble rue des Martyrs. A 21h23 pile, l’alarme incendie se déclenche. Elle hurle sur chaque pallier. Simon s’est installé au cinquième étage du bâtiment A. La gardienne au cinquième du bâtiment B. 3, 2, 1. En même temps, ils tapent aux portes, allez, allez, vite, sortez, sortez. Vite, vite, dépêchez-vous, vite dans la cour.
Les portes s’ouvrent les unes après les autres. Justin porte un jogging distendu et un T-shirt trop grand. Il prend sa doudoune pour ne pas avoir froid et descend péniblement les marches.
Haïko ferme délicatement sa porte, sans la claquer. Il garde sa tasse de thé vert à la main en descendant. Il a oublié de la laisser à l’intérieur.
Sally reste sur le pas de la porte, elle a peur du noir. Il y a pourtant un peu de lumière dans la cage d’escalier.
Raphaël passe torse nu et en caleçon avec son portable. Il a enclenché la torche. En passant, il remarque Sally tétanisée.
– Allez, Madame, faut y aller là.
– Heu, oui, vous pouvez m’éclairer s’il vous plaît.
– Oui, oui, bien sûr, allez, dépêchez-vous, je ne veux pas mourir brûlé, moi.
– Et vous voulez mourir de froid, lui demande-t-elle en lui tendant un de ses manteaux bariolés genre Desigual.
– Merci, c’est sympa, répond Raphaël en grimaçant. Mais c’est vrai qu’elle a pas tort la voisine. On doit se peler dehors.
A contre cœur, il enfile le manteau de Sally.
Jessica était en train de chanter sous la douche quand elle a entendu les coups sur la porte. Elle n’avait même pas entendu l’alarme. Elle se sèche à toute vitesse, enfile son peignoir. Elle enfonce un bonnet sur ses cheveux mouillés, enroule une écharpe. Elle regarde autour d’elle. Putain, c’est quoi cette alarme-là, il fait froid en plus. Elle enfile ses Uggs pleines de moumoute et un manteau. Merde, j’ai pas de culotte ! Vite, elle ouvre son tiroir et en met une.
Artémis descend en criant Hilda, Hilda, c’est toi qui m’appelle ma sirène. Cette alarme, c’est forcément toi.
Morgane est déjà dans la cour. Au premier retentissement de l’alarme, elle était déjà en bas.
La gardienne allume la lumière.
Madame Benetti se tient au milieu de la cour, fièrement. Elle pointe du doigt vers le ciel. Une banderole est suspendue, une banderole multicolore. Des lettres peintes avec le cœur : JE VOUS AIME.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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