Je vais vous raconter l’histoire incroyable et extraordinaire d’une graine de géranium.
Abandonnée sur un balcon, elle était restée seule dans un pot de fleur plein de terre séchée. Une terre très dure. Le moindre coup de vent un peu brutal, un peu fort aurait pu la déloger de son nid -pas douillet du tout. Installé trop près du mur, le pot ne recevait pas d’eau même lorsqu’il pleuvait. A la fin de l’hiver la terre était toute craquelée et à ce moment-là il n’a suffi que d’une petite brise toute légère, toute douce, pour la soulever et la transporter en plusieurs étapes au milieu d’un champ de blé.
Au printemps le champ murmure une promesse de récolte abondante. Tous les jours les épis grandissent serrés les uns contre les autres. A l’ombre des épis notre petite graine se réchauffe et grelotte un peu moins. Elle aussi grandit un peu tous les jours. Au fur et à mesure, ses jambes ou plutôt sa tige se déploie, s’allonge.
Elle sourit de plus en plus à la vie, lève la tête de plus en plus haut pour voir le soleil. Elle est très heureuse au milieu de ce grand champ qu’elle partage avec les épis et quelques coquelicots.
Elle est surprise lorsqu’elle ressent des chatouilles le long de sa tige. Tout à coup un minuscule animal doté d’un long museau se perche sur sa tête. C’est le rat des moissons, il ne fait que passer car son projet l’emmène ailleurs. Il est pressé, le printemps le tourneboule. Il cherche une compagne pour partager le tout petit nid qu’il vient de construire, un joli nid en végétaux tressés prêt à accueillir femme et enfants. Notre géranium aurait aimé qu’il ne passe pas son temps à escalader sa fine et fragile tige, mais malheureusement ce rat est un hyper actif et il passe et repasse sans cesse.
Le champ de blé ondule sous le souffle chaud du vent, ce soir un orage se prépare. La terre sèche réclame de l’eau. Comment grandir lorsque l’on manque d’eau ?
De l’eau, beaucoup d’eau, va se déverser sur la région et la nature respire de nouveau. La vie continue, de nouveaux voisins se sont installés. Comme tous les ans les alouettes sont de retour. Les mâles sont déchainés, ils cherchent une compagne et rien n’est trop beau pour se faire remarquer. Tels des avions supersoniques ils montent très haut dans le ciel en vol ascensionnel et font durer leur chant nuptial de longues minutes avant de descendre en piqué pour séduire leur belle… Le géranium est sidéré, lui qui d’habitude vit dans une jardinière n’aurait jamais pu imaginer un monde aussi vaste et varié.
Une saison pousse l’autre, après le printemps l’été. Notre géranium est en fleur et le blé bien doré. Lui il est très fier de ses petites fleurs rose. Il sait qu’à cette saison il est très odorant, qu’il est apprécié car il chasse les moustiques.
Le temps est sec, le blé est mûr, c’est l’idéal pour la moisson. Moisson ce mot prononcé par le fermier il ne le connait pas, mais la façon dont celui-ci l’a prononcé lui fait penser à quelque chose de joyeux et de sympathique.
Il attend…
Au bout de quelques jours il entend un bruit terrifiant. Bien installé au volant de sa moissonneuse batteuse le fermier commence la moisson. Le travail est méthodique, rangée après rangée les épis disparaissent avalés par la machine. Petit à petit le monstre s’approche de la parcelle où est planté le géranium. Il n’ose plus respirer, au sol c’est le sauve-qui-peut des rats des moissons. La machine l’engloutit et il ne restera de lui qu’une petite tache rose dans la botte de paille que la machine va recracher. Les alouettes ont échappé au carnage, les petits avaient quitté le nid.
C’est la fin de l’été, c’est la fin de mon histoire. Après l’hiver, au printemps tout recommencera…
oh j’adore cette histoire de géranium dans un champ de blé ! et ce pot à la terre toute sèche, cette vie à hauteur de géranium. On se croirait dans une histoire pour enfant, à l’échelle des petits animaux des champs, rats de champs, bébés alouette et pour autant rien de mièvre… c’est charmant, merci !
Cette histoire est vraie, c’est un scarabée qui me l’a raconté…
cet un bon ami ce scarabée!