Tabata

Ses jambes plient au rythme de Tabata. Plus que 15 secondes de squats, sous le sac à dos en fonte. Les gouttes de sueur ruissellent entre les fibres musculaires, le souffle se fait plus bruyant et plus puissant encore. Rien. Rien ne l’empêchera de rafler la médaille d’or au concours athlétique de Barcelone.

Plus que 4 secondes. Tous ses sens sont en ébullition. Le corps est au bord de la rupture.

Fin du décompte.

Le coach rugit, chronomètre dans le creux de sa paluche. De l’autre, il lance la gourde à Théo. Ses bras sont si engourdis qu’il peine à l’attraper au vol. Pas de place pour les faibles. Les 50 cL pèsent une tonne.

– Z’peux manger une barre de céréales ?

Le coach le regarde à peine, il fait mine de ne pas l’entendre. Pas de place pour les faibles. Pour gagner le concours, il faut le mériter. Théo a signé un contrat, et le coach ne s’est pas pointé pour enfiler des perles.

Boum. Boum. Le beat n’annonce rien de bon. Ce passage est la dernière boucle avant la reprise de Tabata.

Et là, le cerveau de Théo vrille. Comme si on lui avait asséné un coup d’haltère derrière la nuque. Il s’effondre sur le tapis de mousse. Autant il n’a plus aucune sensation dans le corps, autant il sent une coulée de sang s’immiscer dans ses phalanges, jusqu’au bout des doigts, prête à gicler comme l’eau vitaminée de sa gourde.

Pourquoi s’est-il engagé dans ce fichu concours ? Tout ça pour faire plaisir à la mama, pour qu’elle soit fière de lui quand il rentre à la maison, pour qu’elle continue à le choyer malgré la situation. Ce cancre, ce bon à rien, ce grand benêt avec un cheveu sur la langue et une chaussette plus haute que l’autre. Ce concours est son seul espoir.

Alors, sans plus attendre et avant la fin du Tabata, Théo se relève d’une traite, enfouit sa tête sous la barre en métal, et reprend les squats en rythme.

Ce contenu a été publié dans Atelier au Long cours. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire