Une rencontre qui bat de l’aile

Sa lèvre supérieure est tellement retroussée que lorsqu’elle parle on dirait deux ailes d’un papillon qui s’envole.

Ce soir, le papillon fait du 150 km/h sur autoroute. Son débit de parole est impressionnant. Impressionnant de désolation. Comment peut-on être si sexy et à la fois si logorrhéique ? Heureusement qu’elle sent bon. J’observe son rouge à lèvres. Mardi dernier, le papillon était rose fushia; ce soir il est violet électrique. Hypnotisant. Vivement qu’on passe au niveau supérieur et que je le croque tout entier.

Tiens, le papillon s’est calmé. Il est même complètement immobile. Zut ! Elle attend que je réponde. Les ailes sont en suspend…

-J’aime tes tâches de rousseur. Est-ce que tu sais que c’est terriblement à la mode ?

Et voilà le papillon qui re-décolle. Les sons entrent à droite et ressortent instantanément à gauche. Je fais office de pantin. De psychologue peut-être. Cette fille a vraiment un grain. Je fais semblant de renverser mon cocktail sur mon pantalon.

-Excuse-moi ma belle, je reviens tout de suite.

Ouf, me voilà au calme. Je pense pouvoir gagner dix minutes facilement. Dans une heure, le bar fermera et je pourrai enfin lui proposer de monter dans la chambre. Mais en attendant, je dois continuer de la faire boire.

-Mon ange, me revoilà. Tiens, je nous ai pris du champagne; à la nôtre !

Le papillon s’approche furtivement du liquide doré. Ses ailes frémissent au pétillement des bulles humides. Ses petites pattes se recroquevillent, comme des orteils qui s’agrippent au bord d’une piscine. Ses antennes s’enroulent. Finalement, le papillon rentre dans son cocon.

-Non merci, je n’ai plus soif. Je vais rentrer chez moi.

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