Annecy

Dans ce train couleur outre mer, je regardais l’aube se dessiner sur les montagnes aux sommets tout blancs en écoutant le boléro de Ravel. J’étais dans une espèce de demi-sommeil, un entre-deux confortable et douillet dont je n’avais aucune envie de m’extirper. En ouvrant, difficilement, un œil -un seul- j’arrivais à voir au loin quelques chemins de terre qui partaient dans les sous-bois et dont j’imaginais l’odeur d’herbe humide. J’entendais le vent dehors quand la musique enfin se calmait un peu et qu’il claquait sur la carcasse du vieux train. J’aurais aimé que le train ralentisse pour que je puisse distinguer les fleurs, le vol précis des oiseaux, l’écorce des arbres. Mais non, il filait toujours plus vite empêchant ainsi les imprévus, les rencontres, les échanges. Dans ce train de province, dans le frais du matin, mes voisins usés et fatigués n’avaient malheureusement pas le cœur bienveillant et prompt à la conversation. Il faut dire que je n’étais pas très liante non plus avec mon livre, les écouteurs et mon carnet de poche dans lequel je collais des photos de chats sauvages. C’est à ce moment-là de mon égarement que j’ai entendu le message du contrôleur « Annecy, cinq minutes d’arrêt ». Je suis sortie, me suis assise à la terrasse du café de la gare et j’ai continué à regarder le monde comme on découvre un tableau pour sans cesse le remettre en question.

« Mon chéri, mon chat, mon soleil du matin frais,

Sur le Bolero de Ravel, à la terrasse d’un café, mon imagination s’envole de toutes parts mais arrive toujours à un seul port : toi. Sans rien dire et sans rien faire, je m’assoies et je pense à notre avenir, je ne me pose plus de question, je sais désormais parfaitement ou je vais mieux où nous allons et cette correspondance soutenue qui est née entre nous ne fait que me le confirmer.

N’oublies pas de m’écrire. Tu auras le temps dans le train. Ne manges pas trop de confitures de figues de ta tante. Reviens moi en pleine santé, le cœur remplit de belles lectures, de fleurs et d’échanges. Repose toi bien et penses à ramener des perce-neiges et des photos.

Je t’aimerai jusqu’au bout de moi et je t’embrasse sous le soleil de nos montagnes.

Ta Joséphine qui t’attend. »

14 Février 2023

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