Bistrots

Il y a tant de bistrots de par le monde, tant de cafés chics, de troquets paumés, de lieux de dérive ou de retrouvailles. Il y a des bars tous simples mais magiques, on s’en souvient parce qu’on y a rencontré un amoureux ou l’homme de sa vie. On s’en souvient parfois parce qu’on s’y est disputé avec cet amoureux sous le regard perplexe des autres clients.

j’ai déniché ce charmant café de la rue des Couronnes en allant voir une exposition dans une petite galerie coincée entre des immeubles vétustes. Dans ce quartier plutôt délabré soudain du bois blond, une jolie guirlande sur la vitrine, un style anglo-saxon pour jeunes branchés. Des ordinateurs sur les tables. Des tenues excentriques. Des conversations agitées. Ça change du «  verre siffleur » mon café préféré dans le quatorzième arrondissement où se côtoient toutes les générations dans un décor vieillot, où les mêmes messieurs à la retraite, l’oeil un peu terne, un léger ennui en masque  sur le visage , viennent débuter la matinée avec une bière ou un verre de blanc. Rue des couronnes ça fume sec sur le trottoir, malgré le froid. Quarante ans plus tard, à les voir fumer, j’ai encore le goût du tabac dans la bouche et le souvenir inoubliable de ce   Suçotement   premier, de cette aspiration  Primale.

Deux filles en jupes courtes passent entre les tables. C’est un café bruyant de la rue des couronnes, un café sympathique presque au pied des marches . C’est un café plein de dégaines d’artistes en herbe, de différentes couleurs de peau et de forme d’yeux. J’allais dire » plein de beaux blacks » mais je me suis déjà fait remonter les bretelles par nos jeunes: «  maman, tatie, voyons on ne dit plus ça « ah bon mais qu’est – ce qu’on dit alors ? Moi je suis bien la blonde  frisée !!!  « Mais ça n’est pas du tout la même chose! »

Dans le bistrot de la rue des Couronnes les idées vagabondent. J’y suis de loin la doyenne et on me chouchoute, ça me donne l’impression d’être une pauvre chose fragile au bord de la mort….presque tous devant leur ordi, leur téléphone, leur tablette mais communiquant en se montrant des photos, en affinant un projet. Les garçons portent de longs pardessus noirs et les filles des doudounes aux imprimés étonnants. Un vrai café moderne, mi- Londres, mi- Paris bien loin des cafés de ma jeunesse où l’on buvait des laits grenadine. Au pied du zinc ancestral de la sciure recouverte de mégots. Parfois un client plus  très net crachait dans la sciure. Aujourd’hui tout est plus propre mais on déjeune quand même en terrasse, au soleil et dans les délicieuses vapeurs d’essence.

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2 réponses à Bistrots

  1. Aliette S dit :

    Quel jolie histoire qui raconte deux époques, deux ambiances, dans une ville qui s’est transformée, tandis que cette jeune femme est devenue « la doyenne » qu’on chouchoute…. Ce texte me fait voyager , moi aussi, dans mes « autrefois »…
    Merci Monique !
    Aliette

  2. Sylvie W dit :

    C’est enlevé. On les voit ces jeunes, on les écoute, on les sent!
    J’aime cette « blonde frisée » qui met en parallèle cafés d’aujourd’hui et café d’autrefois comme une évidence.
    Bravo, sylvie

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