Ça commencerait….

C’est une histoire qui commencerait au Japon dans un village de la mer intérieure,  battu par les vents et traversé en automne par les grues voyageuses, gobeuses d’insectes, ravageuses de prairies. C’est là que Tomomi serait née, aurait rencontré Massaki, s’y serait mariée. Un village au parfums d’embruns et de sel. Un village où tout le monde se connaît, un lieu de partage, de solidarité, mais aussi de frustration et de jalousie.

Là on pourrait dire, il était une fois un couple de gens modestes, lui, pécheur partirait à l’aube. Il aimerait manger son bol de riz, adossé à l’unique arbre de leur jardin, un jeune pin au tronc élancé. Massaki serait costaud, le visage buriné par les heures passées sur son bateau. Tomomi resterait à la maison travaillant comme toutes les femmes de pêcheurs à réparer les filets et à préparer les poissons. Accroupie au soleil, entourée de corneilles affamées, elle passerait des jours tranquilles au fil d’un  temps que rien ne bousculerait. Juste un peu d’inquiétude à la tombée du jour en guettant le retour de Massaki.

puis une fille viendrait au monde, Ayumi, au cours d’une nuit d’hiver au froid vif et sec. Dans le grondement des vagues elle pousserait ses premiers cris. Quelques jours après sa naissance ils planteraient un powlonia et selon la tradition, un jour ils l’abattraient pour confectionner deux commodes à kimonos qu’Ayumi emporterait dans sa nouvelle maison. Un peu plus tard un autre enfant naîtrait,Aki,  et l’histoire continuerait. Ce petit garçon irait chaque jour s’asseoir au pied du powlonia, l’enlacerait, le regarderait grandir, lui murmurerait ses secrets, lui raconterait ses journée d’école. L’arbre n’intéresserait Pas du tout Ayumi et son frère lui demanderait souvent la raison de cette indifférence. «  Mais enfin, ce n’est qu’un arbre! ». Jamais Aki n’accepterait cette réponse.

Les années passeraient et un jour il faudrait abattre l’arbre comme c’était Prévu. Ça commencerait dans un village aux maisons  en bois, déclinant toutes les nuances de brun. Ça commencerait dans le plaisir de chaque geste quotidien, de chaque rituel mais ça évoluerait  avec le chagrin d’un jeune homme , avec les larmes qu’il verserait pour son ami- arbre, avec sa colère contre ces pratiques ancestrales , avec toute une gamme de sentiments complexes, frère, sœur, parents et qui sait peut-être qu’ils planteraient un nouveau powlonia, pour Aki, cette fois, juste pour lui et  ça finirait plutôt bien!

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