Dolores

Casque blanc sur les oreilles, branché en boucle sur le Boléro de Ravel, elle descend en courant baskets aux pieds, les marches de cette ruelle sombre tant de fois arpentée. Elle part, elle sait qu’elle ne reviendra pas !

Ras le casque de la Mamma qui la traite d’idiote, de ralentie et d’esclave tout en lui serinant des « je t’aime » inopinés et dénués de sens.

Dolores sera toujours la souillonne de service dans cette maisonnée. La petite dernière ! La colère gronde depuis ses seize ans. Elle se sait prisonnière de cette famille. Pas très appliquée à l’école, sans diplôme en poche, peu importe, elle a sa beauté comme bagage et de la débrouillardise à revendre. Ras la casquette du refrain entendu « Belle comme jour et bête comme ses pieds ». Juste bonne à briquer les sols, préparer la pasta, ramasser les pommes et laver le linge. Trimer est son lot .

La colère rugit dans sa tête et dans son cœur depuis de longs mois. Aussi, au bal du 14 juillet, le jour de ses dix huit ans, elle s’était fait la promesse de dénicher un amoureux qui séduit par son corps de déesse et ses yeux malicieux l’emporterait loin de ce village perché sur un flanc des Alpes italiennes. Le bal fut splendide. La belle eut des cavaliers. Pas un seul n’eut grâce, à ses yeux noirs, elle s’avérait difficile et suspicieuse. Dolores souhaitait rencontrer un homme émouvant , différent de son patriarche de père, un homme autoritaire qui laissait la mamma diriger les affaire communes de la maison d’une poigne de fer.

Déçue par ses danseurs, elle décida de quitter à l’aube la maison, le village et les montagnes. Son plan était fait. Elle partait à la mer avec son petit pécule qu’elle avait amassé. L’air frais du matin sur un port de pêche, les cris des mouettes l’avait toujours attirée. Dolores voulait changer de vie. Assise sur les marches de l’escalier , elle avait vu en catimini des films sur le vieux poste télé et rêvé de mer, de mouettes. Personne et surtout pas la mamma, imaginait les désirs de cette idiote, bonne juste à récurer les parquets. Dolores avait préparé son départ dans la solitude de sa mansarde. Seul son journal intime connaissait sa révolte et son projet. Aussi, personne , ce lundi matin de juillet préta attention à la jeune fille, au sac sur le dos au casque vissé sur sa tête. Elle partait avec pour seul but quitter la Mamma et ce village de montagnards taiseux et alcooliques pour la plupart. Elle savait qu’elle ne reviendrait pas. Libre et sans famille.

J'écris depuis mon adolescence...comme beaucoup j'ai tenu un journal intime puis j'ai écrit des poèmes puis des textes et quelques petites nouvelles. J'adore lire depuis que je sais lire . Les livres furent mes premiers amis .

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Une réponse à Dolores

  1. Aliette S dit :

    Oh Catherine,
    j’espère que rien ne va lui arriver, à Dolores, j’espère qu’elle n’est pas trop tête brûlée… Tu connais la suite de son histoire ?
    Merci pour ce récit de rage et de liberté !
    Aliette

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