Essai transformé

Claire regardait son fils souffrir. Il avait insisté du haut de ses 9 ans.
« M’man, tu viendras me voir jouer dis ? C’est la première fois que l’entraîneur me laisse commencer le match. J’suis trop content ! »
Et il s’était jeté dans l’herbe et la boue comme s’il plaquait un essai. Elle, avait manifesté son enthousiasme en espérant que le match serait, par miracle, reporté. Le rugby la soulait. Ces bonshommes taillés comme des armoires qui se foutaient des peignées l’indifféraient. Selon elle, le rugby avait été inventé pour que les hommes puissent se toucher. Claire avait balancé cette phrase lors d’un dimanche barbecue dans le jardin. Fallait voir la tête des potes et surtout celle de Pierre, son mari. Tout le monde avait cru qu’elle plaisantait. « Ben non, j’blague pas. C’est quoi ce sport ? »
« Une religion » avait asséné Pierre. Marc avait essayé de lui expliquer. Elle l’avait renvoyé à ses études « Te fatigue pas, j’aime pas. Point final. »
Et voilà qu’elle était là, à se geler les fesses en regardant son fils. Pierre vociférait à ses côtés.
« Vas-y Théo ! C’est rien ! Relève-toi ! »
Claire intervint :
« Comment ça c’est rien ! Tu vois bien qu’il a mal. Quel jeu de brutasses ! »
 » Mais non, c’est que dalle ! Juste une petite bouffe »
« Tu parles d’une petite bouffe !
« Il va se relever. C’est rien. Il gagne du temps, il récupère et les autres aussi. »
« T’es con ou bien ? On n’est pas au foot !
Pierre sourit en la regardant
« Mais tu t’y connais finalement ! Bravo »
« Pierre, j’entre sur le terrain. Supporte pas que mon fils aille mal »
« Bouge pas. D’abord t’as pas le droit ! Et puis regarde ! »
Les soigneurs étaient entrés sur le terrain. Éponge magique et Théo rejoignait déjà ses coéquipiers. Il est cinglé pensait Claire.
« J’vais chercher un café chaud. Tu veux une bière avec pizza pour rester dans l’ambiance ? »
« Mais Claire, tu sais que t’es drôle ! Tu devrais venir plus souvent ! »

« À la buvette joyeuse », des anciens sportifs aujourd’hui vétérans, encourageaient les mômes tout en sifflant des canettes de bière.
« Elle veut quoi la p’tite dame ? »
« Un café, une bière et rentrer chez elle. »
Des cris la firent se retourner. Applaudissements fournis de tous les supporters. Elle vit son fils crouler sous les tapes de ses camarades.
« Combien j’vous dois ? Et M’sieur, c’est mon fils qui vient de marquer un essai ! »
Curieusement, elle était fière. De retour dans les gradins, Pierre lui dit :
« T’as vu ? Il est pas bon notre fils ? »
« Pas vu mais entendu. C’est fini ? »
« Non, c’est la mi-temps. »
« Ah ? Et là, tout de suite, t’as le temps de m’expliquer un peu les règles ? »

Ce contenu a été publié dans Atelier Buissonnier. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire