L’écoute

J’ai été étonnée par son écoute inhabituelle. Charlotte, la grande, toujours sur son 31,éternellement  pressée, la tête ailleurs, jonglant avec le présent et le futur immédiat, incapable de se poser, de rester immobile face à celui qui était en face d’elle. Jamais là, jamais présente. Charlotte refusait cette description. Ce n’était pas elle, jurait-elle, en envoyant à son interlocuteur impertinent un dictionnaire dans l’estomac. Charlotte acceptait aucune critique. Elle se voyait l’amie thérapeute de tous , ses proches riaient de ses travers à ses dépens.

Cet après-midi là en grimpant la ruelle des cordonniers à Saint Valéry, j’ai frappé à sa porte. La pile électrique Charlotte m’amusait. Je ne m’attendais pas à être écoutée. Je souhaitais juste une tasse de thé fumante dans un lieu cosy où le rouge dominait et un feu crépitait dans la cheminée. Mon amie Charlotte gigotait dans ce lieu entre la préparation du thé et le feu à attiser.

A mon grand étonnement, Charlotte m’accueillit en ouvrant doucement la porte et me murmura d’entrer. Je m’écroulais dans un fauteuil crapaud, elle s’allongea sur son sofa carmin et m’offrit un sourire attendrissant , me regarda avec intensité. En quelques instants, elle avait réussi à créer un climat serein  sans qu’aucun mot ne soit prononcé. Je sentis poindre en moi un désir de parler , de me raconter, de déverser tout ce que j’avais emmagasiné de lourd, de secret au fonds de mon cœur depuis des décennies. Charlotte n’était plus celle que je connaissais. Elle était une écoute sans limite, tout en douceur. Je m’y engouffrais et déversais toutes mes douleurs enfouies, toutes mes paroles cachées, tous mes lourds secrets.

Le thé refroidissait dans ma tasse de porcelaine blanche. Je n’y avais pas trempé mes lèvres, tout à ma litanie qui ne se tarissait pas. La merveilleuse écoute de Charlotte avait libéré les portes cadenassées de mes secrets.

Le personnage assuré que j’étais depuis une quarantaine d’années s’était évanoui, remplacé par une femme fragile.

J'écris depuis mon adolescence...comme beaucoup j'ai tenu un journal intime puis j'ai écrit des poèmes puis des textes et quelques petites nouvelles. J'adore lire depuis que je sais lire . Les livres furent mes premiers amis .

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