Le brouillard s’est déchiré comme un pan de soie et les torrents de lumière qui s’en déversent à présent m’exaspèrent. Blottie dans un coin du train presque vide, je regrette le manteau de gris et la bruine qui convenaient si bien à mon humeur, à l’appréhension qui me noue le ventre depuis ce matin.
Dans la poche de ma veste, je sens l’objet de mes angoisses battre comme un second coeur.
Je m’étais réveillée à l’aube, dans le sursaut d’un cauchemar dont je ne me souvenais déjà plus. Je frottai mes poignets, mes yeux, mis du café sur le feu puis sortis prendre l’air, dans l’espoir que le vent et la pluie dissipent ce malaise tenace, ces petites araignées qui me rongeaient le ventre sans que je sache pourquoi.
C’est alors que je l’ai vue.
Je ne sais pas pourquoi j’ai regardé dans la boîte aux lettres. Il était bien trop tôt pour que la factrice ou un quelconque coursier soit déjà passé. Etait-ce par habitude ? Est-ce qu’au fond de moi, l’angoisse me soufflait quelque chose ? Au fond de la boîte aux lettres, il y avait une enveloppe. Mon coeur battait à tout rompre lorsque je tendis la main pour la saisir.
« Calme-toi, ce n’est qu’une lettre », me dis-je à voix haute pour me rassurer. Au même moment, un groupe de corneilles prit un envol soudain à quelques mètres de moi. Sursaut.
Le papier de l’enveloppe – je l’ai senti tout de suite – était de bonne qualité : de trop bonne qualité. Doux, fin et solide, d’une texture moins uniforme que les enveloppes du commerce. Qui donc dans mon entourage serait susceptible d’investir dans de pareilles enveloppes ? Au verso : rien. Pas d’expéditeur. Au recto : mon nom, mon adresse, un timbre étrange. Je rapprochai l’enveloppe, plissai les yeux : c’était un timbre pourpre rempli de mots dans différents alphabets qui s’enchevêtraient en un ensemble illisible. Soudain, l’air vint à me manquer.
Je remontai quatre à quatre dans la cuisine, me saisis d’un couteau en guise de coupe-papier, et ouvris l’enveloppe.
A cet instant, j’étais seule dans la maison endormie, seule dans le brouillard de la ville, seule au monde.
Dans l’enveloppe, il y avait quelques pages arrachées d’un cahier d’écolier, recouvertes d’une écriture enfantine, serrée et désordonnée, une écriture de gauchère contrariée – mon écriture.
La tête me tournait à présent, je fis tomber la tasse de café qui éclata au sol, puis me laissai tomber moi-même, assise par terre à côté des débris.
Les premiers mots étaient :
« Le 14 février 2003, 23h.
Cher journal «
A ce moment, je bondis sur mes pieds, mis l’enveloppe dans ma veste, empoignai mes clés et mon portefeuille, et partis en trombe, direction la gare.
Je savais ce qu’il me restait à faire.
Ah Delphine ! Texte haletant et saisissant ! La suite ?!
Merci
Aliette
Merci beaucoup Aliette pour ton commentaire ! C’est vrai que ce texte m’a donné envie d’écrire une suite. Peut-être que je vais le faire !
Je viens de relire ton texte, j’aimerais bien connaitre la suite…
sympa!!!