Les aquarelles d’Emilie

Emilie avait un jardin. Le vent y avait déposé toutes sortes de graines, et ce que les oiseaux ne picoraient pas poussait sans avoir appris. Au printemps, c’était une débauche de vitalité, de couleurs tendres qui donnaient envie de chanter, de formes animées qui donnaient envie de danser, d’odeurs subtiles qu’on aurait voulu enfermer dans des flacons.

Emilie admirait ce spectacle et parlait à chaque fleur. Elle rassurait les coquelicots fragiles, jaloux des pavots. Elle écoutait les iris faire les beaux hissés tout en haut de leur tige, comparant leurs couleurs jaune-orangé ou mauve profond . Elle mesurait les pois de senteur qui grandissaient en s’accrochant à la moindre tige. Les pivoines se faisaient toujours désirer tandis que le muguet disait à tout le monde « je sonne le printemps ; respirez mon odeur sucrée avant que le soleil d’été ne nous dessèche tous. »

De sa chambre vide, Émilie emmenait son esprit vaguenauder tout autour de son jardin plusieurs fois par jour. Clouée dans son fauteuil, au milieu de cette pièce sans âme, au 15ème étage d’un immeuble de cité sans air et sans lumière, elle peignait des aquarelles imaginaires luxuriantes.

Ce contenu a été publié dans Atelier Buissonnier. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire