Partir seule au bord de la mer pour faire le point, voilà ce que Claire avait décidé. Dans le TGV, elle s’était mise à douter. « Je fais n’importe quoi ! Qu’est-ce que je vais foutre toute seule deux jours à regarder la marée descendre et monter. En plus, j’aime pas le sable. J’m’en fous partout et ça colle. »
Installée à la terrasse de sa chambre d’hôtel, elle sirotait un Chardonnay. Finalement, elle ne regrettait pas. Le temps était magnifique, la vue sur mer la réjouissait. Seul Pierre lui manquait. Forcément. Férocement. Il aurait adoré l’escapade. Même absent, il lui bouffait tout son espace. « Être amoureuse comme ça à 50 balais et en avoir 18 dans sa tête, est-ce que c’était normal ? » « Putain, la norme ! J’devrais m’en foutre ». Elle bataillait entre la raison et la folie. Réfléchir. Voilà ce pourquoi elle était là. « Donc, je vais réfléchir, je dois réfléchir !«
Pierre était entré dans sa vie comme un bulldozer. Avait percuté sa voiture. Rien de grave. Elle était descendue de sa Clio et avait envie de dire comme elle avait entendu son père : « Dites-moi, quand je ne suis pas là, vous faites comment pour vous arrêter ? » N’avait rien dit. Juste observé qu’il n’y avait pas grand-chose. Pare-choc embouti. Un constat à l’amiable rempli vite fait dans un café. Trop de pluie pour le faire sur le trottoir. Du constat à l’apéro, il n’y avait eu que quelques minutes. Et pendant qu’elle pensait « Ça se fait de prendre l’apéro comme ça avec un homme qui manque de frein ? », il enfonçait le clou de la séduction « Oui, je suis en tort. Mais c’est que d’la tôle. Pas de blessé. Donc tout va bien ! On peut boire un verre ensemble à la santé des bons conducteurs ! » Et il avait éclaté de rire. Du verre, ils étaient passés à la bouteille pour accompagner leur dîner. « Je verrais ça dans un film, je rirais! » Mais elle n’avait pas ri. Tout du moins, pas de ce qui se passait. Elle avait apprécié la soirée, était rentrée tard. Aucune importance. Jean-Marc était en déplacement. Et puis, ils s’étaient revus. Avec plaisir. Il débordait de joie de vivre. Elle, était davantage sur la réserve. Avec la furieuse envie de se laisser embarquer.
Quand elle avait appris qu’il vivait seul, partageant sa vie avec des amis aimant la bonne chair, le bon vin, les matches de foot, les expos et le cinéma, elle avait failli hurler. « Où était la faille ? Quel mal cache ce beau mâle ? Je vais me réveiller, tomber de l’arbre, cesser mes jeux de mots alambiqués ».
Partir pour réfléchir. Il lui avait demandé de vivre avec lui. « Mais bien sûr, on se connaît depuis quelques mois. Pas de problème. Je fais ma valise et j’arrive » avait-t-elle eu envie de lui dire. Mais le sac de voyage, elle l’avait fait. Pour prendre l’air. Mais l’air sans lui était un peu trop frais. Le soleil lui faisait du bien. « Au moins,je prends des couleurs, c’est toujours ça ! Qu’est-ce que je fais mais qu’est-ce que je vais faire ? Le questionnement sans fin et sans réponse était en boucle. Je suis France Info à moi toute seule ».
Le téléphone sonna. Pierre. Elle décrocha. « Claire, Claire, le roi a besoin de Toi. Viens vivre dans mon château. Y’a pas d’oubliettes. Elle sourit.
– On passe en Face Time, tu veux ?
– Oui
– Oui à quoi ? Le Face time ou vivre avec moi ?
– Les deux Pierre. Les deux.