vieillesse ennemie

Elle se disait, il est bien vieux maintenant. Elle s’était classée « moins jeunes ».

C’est vrai, il souffrait de partout, mal au dos, mal aux jambes, mal aux pieds, rhumatismes par-ci, arthrose par-là. Son corps avait l’âge de ses années d’expérience, longues, très longues. Et lent, très lent.

Elle ne voulait plus l’attendre ; elle y perdait ses journées et son enthousiasme.

A l’entendre gémir chaque jour pour s’habiller, se déshabiller, elle se disait que ce n’était plus une vie.

Elle voulait profiter des instants qui lui restaient avant de le suivre dans cette vieillesse avancée. Ah, tous ces petits bonheurs du quotidien, les jours qui rallongent, les senteurs d’arbres en fleur, les premiers vrombissements d’abeilles.

Ah, zut ! Le voilà qui grinchotait de nouveau. Il n’atteignait plus ses pieds pour enfiler ses chaussettes. Quelle plaie.

C’est bête de devenir vieux.

Elle se prit à rêver. Et si on vivait notre vie à l’envers ? Il aurait commencé vieux et grinchu. Elle se serait habituée. Puis il serait devenu actif et alerte avec juste quelques rides et quelques cheveux poivre et sel ; puis fort, sans lunettes et énergique. Petit à petit il deviendrait beau, jeune, entreprenant, amoureux. Ensuite… ah non ! Ensuite c’est l’adolescence boutonneuse et le bébé en couche-culotte. Ça ne va pas. On reprend.

Elle se remit à rêver.

Et si on pouvait fabriquer des membres que l’on visse le matin et dévisse le soir ? On n’enlève plus ses chaussettes, on dévisses sa jambe. On ne lève plus les bras pour enlever son pull, on dévisse son épaule.

C’est ça. Une solution.

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3 réponses à vieillesse ennemie

  1. Monique M dit :

    J’aime beaucoup ce texte cruel et tellement juste..il dit Ce qu’on pense tout bas, avec le style si particulier de Sylvie.

  2. Hélène W dit :

    très drôle et en même temps grinçant comme une vieille articulation qui manque d’huile!

  3. Aliette S dit :

    Haha Sylvie, quelle solution !
    Merci pour ce texte qui m’a fait sourire !
    Aliette

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