L’éléphant dans la malle

Coralie est assise dans le grenier de la maison aux briques rouges. Devant elle, la lourde malle qui a accompagné les voyages de son père, et a pris la  poussière des années.

Elle a ce matin, pour la première et dernière fois, dit Adieu à l’auteur de ses jours. Pour se rapprocher de lui, elle va ouvrir le coffre témoin de toute une vie.

Le couvercle grince, la poussière s’envole, Coralie éternue. Des liasses de papier, des piles de photos, quelques vêtements, une vieille pipe sont disposés là. Sagement ils attendent des yeux pour leur redonner vie.

Les tirages piquent la curiosité de la nouvelle orpheline. Des calèches, des femmes, en robe à crinoline et abritées sous des ombrelles, de vastes avenues. Est-ce le Paris d’un ancien temps que les moins de 150 ans ne peuvent pas connaître ?

Les photos défilent entre ses mains.

Un bébé nu sur un lit de paille, une date au dos : 1910. C’est peut-être l’oncle Jules, le frère de Jean, son père. Comme il ressemble à Jean, enfant ! Des gamins, des communiants, des photos de mariage, ce sont des étapes de vie qui ont été figées par un photographe.

Coralie est déçue. Son père lui avait parlé d’une malle voyageuse, or elle ne trouve aucune preuve d’existence hors de France. Les photos sont souvent datées et localisées.

Les photos défilent encore jusqu’à ce que Coralie découvre un éléphant. Si, si, un éléphant, qui se tient là, face à l’objectif, le regard doux et fixe. Un éléphant qui paraît immense à côté de Léon, le second oncle de Coralie. Léon avait peut-être 8 ou 10 ans, ou 9, ou 11… Qu’il est dur de donner un âge quand la photo n’indique rien ! Ni lieu, ni année, ni sujets. Est-il vrai, cet éléphant ? Jean, Jules et Léon auraient-ils vécu en Inde ? Et pourquoi pas en Afrique ? Les oreilles, Coralie, regarde les oreilles ! Pétrifiée d’émotion, Coralie ne se rappelle plus si les petites oreilles distinguent bien l’origine asiatique du pachyderme.

Après tout, c’est sans importance, elle a enfin devant elle la preuve que son père et ses oncles ont bien quitté le pays pour voyager, découvrir le monde. Cette découverte la remplit de joie. Elle se hâte, à la recherche d’autres clichés extraordinaires.

L’éléphant revient au premier plan. Au dos cette fois, il y a une phrase de 3 mots : « visite au zoo ».

Ce contenu a été publié dans Atelier d'été. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à L’éléphant dans la malle

  1. Sylvie W dit :

    quelle chute: j’adore!
    On est porté par cette malle qui nous embarque dans un imaginaire qui pourrait être haut en couleurs et tout à coup….
    Bravo;

  2. Aliette S dit :

    Comme Sylvie, j’adore ce texte et sa chute ! Elle est drôle et dit aussi quelque chose de ce que les enfants peuvent rêver de leurs parents et de ce que les parents peuvent laisser croire de leur vie passée !
    Merci Emmanuelle !
    Aliette

  3. Emmanuelle P dit :

    Merci Aliette ! Dans la famille de mon père les enterrements ouvrent les albums de famille, et la boîte aux fantasmes… Parfois les vérités dépassent les mythes.

Laisser un commentaire