La bâche bleue

Auparavant je vivais livré aux intempéries, sous ma bâche bleue. Je n’osais me montrer. Qui aurait voulu voir la marge du monde ? Personne, pas même les bénévoles du ravitaillement. Certains nous appelaient “les invisibles”.

Maintenant, sur Neptune ensoleillée, je suis libre de déambuler à ma guise. La seule contrainte est le port du casque récurrent. Le temps change si vite ici et la grêle est fréquente, même par beau temps.

J’en suis encore à me demander comment j’ai atterri là. Un jour, on nous a dit : “La terre est infectée, il faut partir, faites vos bagages.” Ça, c’était vite fait. Plier ma bâche bleue, rassembler mes trois ou quatre vêtements et voilà. J’ai été parmi les premiers à embarquer et le dernier à débarquer sur Neptune. Pour moi, Neptune c’était le dieu de la mer avec son sceptre. Mais ici, pas d’eau, en tout cas, pas visible.

Pas de misère non plus, un territoire vierge à conquérir.

J’espérais fortement que les leçons du passé nous servent : ne pas transformer ce nouvel endroit en lieu invivable. Où irions-nous ensuite ?

Mais j’ai dû déchanter. L’Homme reproduit toujours ce qu’il fait, rien ne lui sert de leçon.

Nous étions tous arrivés sur un pied d’égalité, l’espoir nous guidait. Et puis… Hier, j’ai remonté ma bâche bleue dans un coin de terrain vague et j’attends. Mon casque sur la tête.

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