18h26

« Ne rien dire qui ne soit pas une pensée profonde. » C’est ce que je voulais m’efforcer de respecter. Mais finalement, en marchant avec Elise à la sortie du travail, c’est ce que je n’ai pas respecté. Une idiotie, c’est ce que j’ai dit. On était parti ensemble de son bureau. J’avais passé la tête par la porte pour lui dire au revoir et elle m’avait demandé de l’attendre une minute. Elle avait enfilé son manteau, enroulé son écharpe autour de son cou. Nous avions marché ensemble jusqu’à l’ascenseur. Dans la cabine qui descendait, j’avais avalé ma salive. En pensant « ne rien dire qui ne soit pas une pensée profonde. Mais la proximité d’Elise m’avait fait dérailler et j’avais dit « Tu as remarqué que cette alarme est allumée depuis des jours et personne ne répond, personne ne vient voir. » Elle avait levé les yeux vers moi :

–Tu crois vraiment qu’il y a quelqu’un qui répond à l’alarme ?

–Oui, c’est le principe d’une alarme non ?

–Je crois vraiment qu’on pourrait crier au secours que personne ne nous entendrait.

–Ah bon tu crois ?

–Certaine.

Et j’avais crié :

–Au secours, je suis enfermé avec Elise !

Elle avait rigolé :

–Ben c’est à ça que tu penses quand tu es avec moi dans l’ascenseur ?

La voix mécanique a dit « Niveau zéro. » et le ding de la porte qui s’ouvrait nous ont libéré. Je l’ai laissé sortir, nous avons passé les portes d’entrée et nous avons débouché sur le parvis. Elise a dit « Te voilà sauvé de ma compagnie. » ce à quoi j’ai répondu « Je crois que j’aimerais mieux être enfermé avec dans un autre lieu qu’un ascenseur. »

On a commencé à marcher sur la dalle en béton. Ses talons résonnaient comme si elle marchait intensément. Nous étions seuls dans la tombante de février. Elle était habillée d’une jolie robe à motifs qui dansaient sur le tissu noir. Nous avons tourné au coin du mur et elle a dit :

–Ah oui ? Quel endroit par exemple ?

–Une piscine, un chalet ou… un sauna.

–Un sauna ?

Oui il y fait toujours meilleur que dans un ascenseur.

–C’est pas faux, c’est vrai que tu aimes la piscine, mais je ne sais pas ce que ça ferait d’être enfermé dans un sauna. On pourrait y cuire.

–On transpirerait beaucoup, aussi bien de chaud que de peur.

–Et toi tu trouves ça marrant ?

–Je ne sais pas, mais au sauna, il y a toujours quelqu’un qui viendrait avec sa serviette pour nous ouvrir, même quand tu es tranquille, allongé sur le banc, il y a toujours un mec qui arrive pour remettre une louche d’eau sur les braises.

–Tu as l’air de bien t’y connaître en sauna.

–J’aime nager sous l’eau à la piscine, ou nager dehors dans l’eau fumante, puis finir au sauna en silence. Mais si c’est possible de nager tranquillement, il y a toujours deux personnes à papoter dans le sauna.

Nous avons débouché sur la rue nous nous sommes arrêté devant le passage piéton. Nous nous sommes regardé, nous savions que notre promenade était terminée. Nos regards se sont croisés quelques secondes, en silence et je lui ai dit « A demain. »

 

Dans l'écriture, il y a une échappatoire à la réalité. Passionné de nouvelles, lecteur de nouvelles du monde entier, j'aime écrire les quotidiens, les petits détails, les fêlures des personnages. Vous retrouverez des nouvelles gagnantes de concours, publiées dans des revues ou coup de coeur sur mon blog d'écriture : www.herissontapageur.net retrouvez moi sur instagram @leherissontapageur

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