9h17

Élise avait pris le large. Elle avait réservé une croisière sur un paquebot pour traverser l’Atlantique. La navigation était calme. Elle n’avait pas le mal de mer, à sa grande surprise.
Le matin, peu avant le lever du jour, elle s’allongeait sur le transat avec vue sur l’horizon droit devant et elle attendait que le soleil se lève et lui caresse le corps des pieds à la tête.
Dans la cabine, Jérôme, encore enfoui dans ses rêves, se tournait pour récupérer la chaleur d’Élise de l’autre côté du lit.
Les vibrations des flots les apaisaient tous les deux. Après des mois à se chercher à la machine à café, dans la cage d’ascenseur, à réfléchir à une belle stratégie pour être assis côte à côte en réunion de service, ils avaient franchi le pas et s’étaient jetés à l’eau.
Jérôme avait été surpris par le feu de leurs corps qu’ils s’étaient donné à voir ou plutôt à apercevoir au sauna. Il avait réussi tant bien que mal à ne laisser paraître aucune manifestation corporelle à son trouble. La douche froide l’y avait bien aidé. Élise, quant à elle, avait gardé un calme olympien et un sourire coquin. Ils avaient quitté le sauna en se disant « A demain » sans s’effleurer les mains. Jérôme s’était promis que, le lendemain, il y arriverait enfin.
A 9h17, il avait inséré quelques centimes, appuyé sur un bouton et le gobelet en plastique était tombé sourdement. Élise lui avait soufflé à l’oreille : Tu m’offres un café ? Jérôme avait sursauté, lui avait tendu le sien avant d’appuyer à nouveau sur le bouton.
Ils s’étaient regardés du coin de l’œil, Jérôme avait rougi, Élise s’était penchée. Jérôme avait voulu tenter une pensée profonde mais la seule phrase qui lui était venue avait été : Il n’a vraiment pas de goût ce café.
Dans sa bonté infinitésimale, Élise lui avait tendu un prospectus. Tiens, ça te dit d’y aller avec moi ?
Jérôme n’avait même pas regardé et avait répondu « oui » immédiatement.
Ils en étaient là, sur ce paquebot, après ces quelques mois à se chercher. Au saut du lit, Élise allait sur le ponton, elle en profitait pour laisser partir son passé cabossé. Jérôme se réveillait peu après, lorsqu’il se rendait compte qu’elle s’était levée.
Il la rejoignait une tasse de thé chaud à la main. Il l’embrassait sur le front, le nez au vent. Le soleil leur caressait les joues. Dans la cabine, les draps étaient encore emmêlés.

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