C’était un dimanche.
C’était un jour sans planning surchargé.
Louise sort de chez elle, tourne au coin de la rue et s’arrête net.
Alors que les chocolatiers soldent les lapins garnis, invendus du week-end précédent, un sapin gît sur le sol.
Oh ! Les quelques épines qui lui servent d’ossature ne sont pas seules. Deux canettes vides de coca s’égouttent sur ses flancs.
Louise se demande à quoi bon garder un sapin chez soi 3 mois et demi après Noël. Elle s’autorise quelques pensées fantasques.
Madame, monsieur, bonjour !
Le corps momifié d’un octogénaire a été découvert dans un hôtel particulier du 17e arrondissement de Paris. Le sapin du vieil homme n’a pas survécu non plus.
Ou bien, c’était un oubli.
Une fois les boules et les guirlandes installées en décembre, le chat et le chien ont tour à tour déshabillé le sapin. Un incident est si vite arrivé… Une fois débarrassé de ses atours, le petit résineux s’est fait discret. La femme de ménage a balayé chaque jour les vestiges du temps.
Quand elle reviendra lundi, elle se dira que quelque chose a changé dans l’appartement. Ni le chat, ni le chien ne lui donneront d’explication.
Et la vie continuera.
Louise se recueille un instant devant la dépouille du sapin. Étonnamment, quand il meurt, il ne sent plus rien. C’est triste un sapin inodore.
Louise se dirige vers le parc où elle aime pratiquer le yoga. Son tapis en bandoulière, elle rejoint la place qu’elle a habitude d’occuper. Une fois le portail franchi, elle croise un visage qui lui semble familier. Elle l’entend parler ; cette voix est reconnaissable entre mille. Louise s’approche, puis recule. La personne qu’elle pense connaître ne la calcule pas. Louise a l’idée de lui demander l’heure. La personne la dévisage, fronce les sourcils, ouvre la bouche et dit :
– Vous n’avez pas de smartphone ?!
Louise, hébétée, balbutie :
– Euh… oui ! Si ! Bien sûr… Je m’excuse de vous avoir dérangée.
Subitement, la lumière revient à tous les étages ; cette femme, c’est la journaliste vedette du 20h.
Finalement, Louise ne la connaît pas si bien que ça.
Elle reprend son chemin, déroule son tapis de yoga. Un homme à quelques mètres de là est en train de s’étirer. Il lui sourit. Il lui rappelle vaguement quelqu’un. Voilà qu’il ose un clin d’œil.
Louise s’interroge plusieurs minutes, et se fige.
Elle pense avoir deviné où elle a croisé l’homme face à elle. C’est Paul.
Paul qui a regardé plusieurs fois son profil sur le site de rencontres (*).
Paul qui l’a likée à maintes reprises.
Paul qui n’est pas du tout son type d’homme, virtuellement.
Louise réfléchit ; partir s’entraîner ailleurs ? Elle abandonne la torture mentale et débute sa séance.
L’homme s’approche :
– Louise, c’est toi ? Je suis Paul, du site. Tu me remets ? Cela me fait plaisir de te voir ! Tu viens souvent ici ?
– Paul, s’il te plaît, je n’aime pas être dérangée pendant ma séance de yoga.
– Oh ! Pardon, excuse-moi. J’attendrai. On continuera quand tu auras fini !
(*) cf Face et profil