L’absence

L’ambiance volcanique jetait un silence inhabituel dans la pièce. C’était le calme avant la tempête. Celle-ci avait été annoncée dans tous les médias mais même sans cet afflux d’information, Leyla pressentait son arrivée. Les oiseaux avaient progressivement cessé leurs chants. De la grande verrière, elle voyait au loin la mer étrangement calme et lumineuse. Le soleil de fin d’après-midi jetait ces derniers rayons sur l’eau qui se confondait avec le ciel, tous deux réunis par une brume dense et nébuleuse. Quelques enfants s’amusaient encore sur la plage avec leurs jouets de plastique dont les couleurs vives égayaient le paysage de plus en plus monochrome.
Leyla était confortablement assise dans son vieux fauteuil en osier défoncé par les années, une tasse de café refroidi à la main. Elle sentait son absence dans chaque pièce, sauf ici dans cette verrière qui dominait la plage et qui était son refuge quand la solitude lui pesait, déjà bien avant qu’il s’en aille. De cet abri, la nature s’offrait à elle dans toute sa beauté et son mystère. La mer se rapprochait ou s’éloignait immuablement. Avec la marée haute, venaient le fracas des vagues, le cri des mouettes et le rire des enfants qui jouaient avec les vagues. A marée basse, la plage se révélait miroir. Leyla aimait alors, comme cet après-midi ci, quitter son fauteuil, descendre le chemin creux qui menait à la plage et marcher pieds nus sur le sable encore mouillé ou dans les flaques clairsemées. C’était un moment insolite, où la solitude devenait légère et précieuse. L’odeur d’iode flottait autour d’elle. Au loin quelques pécheurs de coquillages ramassaient coques et couteaux pour le diner. Parfois, après une averse, un arc-en-ciel traversait tout le ciel avant de plonger dans la mer lointaine. Il fallait toujours penser à remonter à temps avant de se faire prendre par la marée montante. Alors, elle tourna le dos à la mer, vit au loin la maison à mi-pente de la falaise et songea à celui qui ne l’attendait plus.

« Je suis rentrée à temps à la maison. La tempête est arrivée très vite après mon retour. J’ai juste eu le temps de fermer les volets et d’allumer un feu. En cherchant les allumettes dans le tiroir de la table de la cuisine, j’ai trouvé une lettre de lui. Je n’ose pas la lire seule à la maison. Viendrais-tu demain soir ? Ce sera la pleine lune, nous nous installerons sous la verrière et la nuit sera belle. »

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