Le laborantin

Une pensée imprévue. Un rêve. Un cauchemar. Une idée ingénieuse. Un prix Nobel. Une arrestation.
Mettre son cerveau en sommeil. N’écouter que son cœur.
Semer des graines. Jeter des cailloux. Retrouver son chemin.
Le café à la main, le pas décidé, Elliot réfléchit à la journée qui s’annonce. Il a une réunion à dix heures, il faudra qu’il pense à dire ça et ça aussi. Il se demande aussi comment il faudra le dire pour ne froisser personne, pour ne pas se faire piquer son idée aussi. Ça lui est déjà arrivé que quelqu’un d’autre récolte les lauriers à sa place.
Elliot en oublie de boire son café. Le feu passe au rouge. Il a failli ne pas s’arrêter mais un taxi jaune a klaxonné, lui rappelant la priorité.
Elliot baille et boit une gorgée de son café trop chaud.
Il repasse la suite de sa journée en revue, si jamais la réunion ne dure pas jusqu’à la pause déjeuner, ce qui est aussi déjà arrivé, se dit-il, il faudra qu’il approfondisse ses recherches. Cette nuit, il a rêvé qu’il avait découvert par hasard l’élément manquant pour que l’efficacité soit enfin avérée.
Machinalement, il pose son badge à la porte d’entrée, salue le vigile, va jusqu’à l’ascenseur, appuie sur le troisième étage. Il sort dans un couloir blanc, aseptisé. Pas un bruit à cette heure plutôt matinale. Il a quelques heures devant lui avant la réunion de dix heures.
Il passe son badge devant une porte avec un symbole qui ferait peur à n’importe qui. Pas à Elliot ! Il se sait investi d’une mission. Il pose sa main sur un scanner, la porte s’ouvre avec un lourd clic.
Il pose sa sacoche, passe sa blouse et se lave les mains consciencieusement. Il remet ses lunettes pour mieux voir dans le microscope. Rien de nouveau depuis la nuit dernière, aucun changement.
Elliot est déçu.
Il s’approche de la fenêtre pour trouver de l’inspiration dans le ciel, les nuages. Des oiseaux volent et se posent sur l’énorme chêne du jardin : un perroquet gris du Gabon, un cacatoès, un ara aux plumes rouges flamboyantes. Pas un seul pigeon, se dit-il. Sur une autre branche, un moineau, un cardinal, un geai bleu, une mésange.
Il a une impression étrange, celle qu’ils sont appuyés au zinc à siroter un café, un cappuccino, une noisette. Ils débattent de politique, d’actualité, de grèves, de métro. Certains tentent même une approche moins conventionnelle pour un matin au café du coin : « t’as vu l’expo Hendricks ? C’est dingue ! Il y avait un monde fou. » Heureusement qu’il y a l’art aussi pour s’échapper et partir ailleurs.
Elliot tapote ses joues. Il est en train d’halluciner. Il n’aurait peut-être pas dû tester le médicament sur lui, sans être sûr, sans avoir listé les effets secondaires possibles. Soigner la schizophrénie avec un médicament qui donne des hallucinations, ce n’est vraiment pas le bon filon !

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