Un carnet tout neuf

Un carnet tout neuf est posé sur le coin du bureau. Bien alignés, parallèles au carnet, un stylo noir, un stabilo, un paquet de petits post-it jaune pâle. Par la baie vitrée, la météo change rapidement, d’une forte pluie fouettant les carreaux, à une bourrasque de vent faisant plier les arbres, puis à une accalmie inattendue, les rayons du soleil perçant les nuages à la traîne.
Ça manque de fleurs à l’intérieur, les plantes vertes s’affaissent lamentablement au rebord des fenêtres. Tout le monde est sur les starting-blocks. Dans quelques jours, dans quelques heures, ce sera terminé. Dans quelques mois, ils tendront leur passeport à la douane. Ils seront loin, très loin de ces plantes abandonnées.
Le carnet tout neuf n’a pas été ouvert, il contient des lignes pour écrire bien droit, éventuellement sans rature. Il faudrait pour cela savoir ce qu’on a envie d’y consigner. Un chapitre se clôt, un autre devrait commencer. Pourtant, il n’y a que des pages blanches et ce carnet trop épais pour ouvrir cette nouvelle histoire.
Faudra-t-il la commencer comme un conte par « il était une fois » et la terminer aussi comme un conte par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Ils n’ont plus l’âge de croire aux contes de fées mais tous espèrent que ce sera une belle histoire qui commencera bien et qui finira bien. Entre le début et la fin, ce sera bien, voire super bien. Peut-on demander cela à la vie ? Aucun grain de sable dans les rouages. Aucune petite bête qui monte, qui monte.
Ils sont sortis à Montparnasse, le soleil commençait à se coucher. Leurs yeux étaient fatigués, leurs cœurs à la fois légers et lourds. C’était enfin terminé et ça marquait l’étape d’après.
Ils allaient bientôt entrer dans un nouveau monde, se laisser éblouir par ses nouveaux horizons. Ils allaient avoir du chagrin aussi, puis ça allait sûrement passer parce qu’il fallait bien que ça passe, il fallait bien avancer.
Ils continueront à penser à ceux qu’ils auront laissé derrière. Peut-être s’écriront-ils, peut-être mentiront-ils en racontant que tout va bien. Ils prendront un train, un avion. Des valises roulant à leurs pieds, des valises sous leurs yeux. Ils essaieront de sourire, de se précipiter vers le premier taxi. Ils commenceront une nouvelle vie.
Quand ils seront enfin installés, ils reprendront le carnet tout neuf et sauront les premiers mots qu’ils écriront d’une encre de couleur. Le soleil se lèvera et éclairera ces quelques lignes qui auront une signification beaucoup plus profonde car elles voudront tout simplement dire que tout est possible.

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