La fenêtre était ouverte et une légère brise faisait bouger les rideaux. Le chaleur diffuse du soleil de printemps réchauffait à peine Aria qui regardait le paysage. Il n’y avait rien alentour, que l’herbe verte et la forêt. tout était calme. Peut-être un peu trop mais Aria ne voulait pas y penser. Le frémissement de l’eau la détourna de la scène devant elle. Elle se prépara un thé puis se retourna pour reprendre son poste d’observation. Un mouvement sur le rebord de la fenêtre la stoppa dans son élan. Un pigeon voyageur.
Aria resta un long moment au milieu de la pièce sa tasse à la main. Espérant que l’oiseau disparaisse. Alors que lui attendait patiemment qu’on vienne cherche le message qu’il détenait, et peut-être recevoir une réponse ou un morceau de pain. Aria jura et se dirigea vers le pigeon. Sa tasse fut abandonnée et elle le prit délicatement dans ses mains. Le pauvre n’y était pour rien. Elle avait encore l’espoir infime de ne rien trouver attacher à sa patte. Espoir illusoire car elle avait déjà reconnu la couleur de ses plumes. Celle des pigeons du château. Comme on pouvait s’y attendre dès qu’elle retourna l’oiseau, ses yeux tombèrent sur un morceau de papier. Elle le détacha et alla chercher quelques miettes de pain. Elle les jeta sur le rebord et récupéra sa tasse. Alors qu’elle déroulait le message, elle vit son intrus volant picorer gaiement. Cela lui tira un sourire de courte durée quand elle lut les lignes qui lui étaient adressées. Six mois, c’était le temps qu’elle aura eu entre deux catastrophes. Elle voudrait disparaitre. Qu’ils ne puissent plus la trouver. Elle pourrait le faire sans problème. Mais elle n’avait jamais pu s’y résoudre. Vers qui se tourneraient-ils si elle n’était pas là ?
Elle libéra le pigeon sans aucune réponse. Elle ira plus vite que lui de toute façon. Rapidement elle fit son sac puis embrassa sa maison du regard. Adieu tranquillité. Certains argumenteraient qu’elle revenait toujours car sinon sa vie serait trop propre, trop sage. Aria ne niait pas aimer l’adrénaline et la fierté du travail accompli. Mais ce n’était pas ce qui la poussait en avant. Elle ne pouvait simplement pas rester sans rien faire alors qu’elle avait les moyens d’aider. Aria ferma la porte de son paradis magique puis se mit en route. Tout serait là quand elle reviendrait. Si elle revenait, lui souffla une petite voix. Le bruit du vent doux l’accompagna jusqu’à la lisière de la forêt. Elle s’y enfonça sur quelques mètres et là, caché parmi les buissons, trouva ce qu’elle cherchait. Un cercle de glyphes sur le sol. Invisible depuis le sentier. A peine visible si on ne sait pas où chercher. Pourtant, rien ne pouvait pousser ou tomber à cet endroit. C’était là toujours disponible. Il y avait 12 glyphes disposées à intervalles réguliers à l’extérieur d’un cercle. Aria passa ses mains sur les symboles dans un ordre précis. Un à un, ils s’allumèrent d’une lueur bleutée. Quand le dernier changea de couleur, le cercle à son tour s’illumina dans un léger bourdonnement. Aria jeta un dernier coup d’œil vers sa maison qu’elle distinguait à peine derrière les arbres. Puis elle entra dans le cercle. L’instant d’après elle disparut et la lueur s’éteignit. La forêt redevint paisible.
De l’autre côté du royaume, un cercle similaire prit vie à son tour et Aria apparut en son centre. Elle prit quelques instants pour reprendre son souffle, les mains sur les genoux. Elle détestait vraiment cette méthode de voyage mais c’était la plus rapide. Au fil des années, elle avait disséminé des dizaines de ces cercles aux quatre coins du royaume. Aria sortit du sous-bois et emprunta la chemin sur quelques mètres puis s’arrêta. En contre-bas, on était loin de ses plaines verdoyantes. Au milieu sur son aplomb rocheux s’élevait le château avec ses hautes tours d’un blanc immaculé. Le sentier des Milles Marches s’accrochait de chaque côté pour connecter le château au reste de la ville. Des grands bâtiments entouraient l’aplomb puis plus on s’éloignait et plus les édifices diminuaient en taille et en nombre. Iridia, la capitale du Royaume des Terres Vertes. Là où elle avait été convoquée.
Aria descendit rapidement la colline en observant la ville se réveiller. Les rues étaient encore relativement vides et les échoppes s’ouvraient. On enlevait les volets de bois et on sortait les étals. Personne ne l’arrêta mais tout le monde l’observait discrètement. Elle était connue. Tout le monde était reconnaissant et en même temps la craignait. Elle les sauvait à chaque fois mais si un jour elle décidait de faire le contraire. Aria était habituée et ne montrait plus que cela la touchait. Seules quelques personnes savaient ce qu’elle cachait derrière les sourires. Arrivée aux portes du château, elle fut conduite dans la salle d’audience où le roi et la reine l’attendait. En la voyant, le roi fit évacué la salle d’un signe de tête puis se dirigea vers le bureau attenant. Là les attendait le général, les conseillers et une jeune fille. Tous se retournèrent vers eux lorsqu’ils entrèrent. La jeune fille se précipita vers Aria et la prit dans ses bras. Aria s’octroya quelques secondes pour profiter de la chaleur de son amie.
« Anna lâche Aria. Nous devons commencer. »
La voix grave du roi résonna alors que la reine posait ses mains sur les épaules de sa fille. Anna se recula mais resta proche d’Aria. Celle-ci se racla la gorge puis se tourna vers les autres occupants de la pièce.
« Pourquoi suis-je là ? Le message disait que c’était urgent. »
Chacun observait les autres pour voir qui parlerait. Aria vit les regards angoissés, les mains tremblantes et les mines sombres. Son agacement disparut aussitôt remplacer par une inquiétude grandissante. Elle dirigea son regard vers le roi qui lui répondit en pointant la fenêtre. « C’est la tour. »
Elle alla le fenêtre sentant un nœud se former au creux de son estomac. Au loin, une immense tour se dressait au milieu des montagnes. Transparente mais aussi dure que la glace éternelle. En temps norma, elle scintillait juste sous le soleil. Mais là des tentacules d’un noir profond l’entourait et des volutes de fumées violettes se formaient au sommet. Ce qu’il craignaient tous depuis des années se réalisait. La tour était diabolique. La prophétie devenait réalité sous leurs yeux. La petite voix refit son apparition. Qi tu revenais. Tout serait toujours là, si tu revenais. Aria devint simultanément la paix et le chaos. Elle devait leur montrer qu’elle savait quoi faire et pourtant elle était rongée par la peur. Elle laissa les minutes s’écouler. Incapable de se retourner pour voir leurs visages emprunt de peur et d’espoir. Une main se glissa dans la sienne. Anna. Toujours là pour la soutenir, pour l’écouter. de l’autre côté, le poids d’une main sur son épaule. Silas. Toujours prêt à la suivre dans chacune de ses aventures. Elle se retourna enfin et aperçut les visages identiques de Clara et Marius. Tout était loin d’être gagné mais avec eux à ses côtés, il y avait une chance. Un chance qu’elle réussisse. Une infime chance qu’elle revienne profiter du calme des plaines verdoyantes. Elle se dégagea gentiment de Silas et d’Anna et se dirigea vers la table.
« Dites-moi tout. »
Ils passèrent ainsi la journée et la soirée à étudier les parchemins, les rapports et à élaborer un plan. Personne ne savait exactement à quoi servait la tour, ni ce dont elle était capable. Pourtant tous connaissaient la prophétie disant qu’un jour elle se réveillerait causant la perte du royaume et que seule l’orpheline aux yeux violet les sauveraient au prix de sa vie. Aria avait été élevée dans le but et la croyance d’être la sauveuse. Elle était forte, habile au combat et en magie, et elle protégeait le royaume depuis de nombreuses années. Malgré tout, en scrutant ses yeux violets dans le miroir, elle se demandait si ce n’était pas une imposture. Était-elle capable de combatte cet ennemi inconnu ? Et était-elle capable de la faire au prix de sa vie ? Elle n’avait jamais formé de réelles connexions en dehors des quatre personnes qui ne lui avaient pas laissé le choix. Justement pour cette raison. Elle était heureuse qu’ils la suivent mais elle savait aussi qu’elle devrait terminer le chemin seule. Pour ne pas les mettre en danger. Pour ne pas qu’ils soient une distraction. Cette nuit-là, elle dormi peu et la lueur violette sans le ciel noir s’accordait parfaitement à ses yeux. Au petit matin, tout était prêt. Autant que cela puisse être possible pour un voyage dont on ne savait rien. Aria, accompagnée de ses amis, se tenait juste à l’extérieur de la ville face aux montagnes. un dernier coup d’œil en arrière et elle se résolut à affronter sa destinée.
« Allons-y »
Bonsoir Lucile
J’apprécie la manière dont sont décrites les émotions qui se saisissent d’Aria, la jeune héroïne. C’est une jolie nouvelle, ou un premier chapitre, qui sait ?
Merci
Aliette