La poussière vole dans la pièce sombre. Claire ouvre les volets pour faire entrer la lumière et aérer la pièce restée fermée depuis des semaines. Il fait beau ce matin, elle regarde le jardin dont plus personne ne s’occupe, les jonquilles sont sorties, la nature n’a besoin de personne. Il va falloir ranger, faire du tri, qu’est ce qu’on garde, qu’est-ce qu’on jette, qu’est ce qu’on donne, qui veut quoi ? Ce travail colossal l’épuise en plus de la tristesse qui la terrasse depuis le départ de sa grand-mère. Le frère de Claire, Benjamin, doit arriver pour le déjeuner. En attendant, elle est seule dans cette grande maison qu’elle connaît par cœur. Ca sent le renfermé et les souvenirs d’enfance, ça sent le sable humide et les grillés aux pommes, ça sent le gigot flageolets du dimanche midi et les vieux cahiers. Ca sent la vie qui passe et la vie qui est partie. Claire essuie les larmes qui noient son visage, elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle pleurait. Deux mois qu’elle pleure, est-ce que sa réserve lacrymale est infinie ? Pour sortir de sa léthargie, elle décide de se faire un café. Sa grand-mère avait une cafetière Nespresso, cadeau du dernier Noël, mais elle ne s’en est jamais servie. Elle préférait le café filtre, à l’ancienne, il y avait toujours du café de fait, qui restait au chaud. Du café cuit et recuit, un goût infect mais c’est comme ça qu’elle l’aimait. Claire préfère largement un expresso, elle trouve une capsule, une vieille tasse blanche avec des petites fleurs bleues et se prépare le breuvage salvateur.
Elle sort dans le jardin, la porte d’entrée résiste, elle frotte sur le sol, elle a toujours été mal foutue cette porte, ça l’a fait sourire. C’est fou comme quelque chose d’anodin comme le frottement d’une porte sur le sol peut faire remonter mille souvenirs. L’herbe est encore humide de la rosée du matin, Claire est pieds nus, elle aime cette sensation de fraîcheur sur ses pieds et ses chevilles, ça lui remet les idées en place. Elle va s’asseoir sur une vieille chaise en fer forgé, elle adore cette vieille table et ses quatre chaises usées par tant de déjeuners et de dîners, rincées par des milliers d’averses, grillées par des milliers de rayons de soleil brûlant. Elle aimerait bien le garder ce vieux salon de jardin en fer forgé rouillé. Assise sur sa vieille chaise, Claire regarde la façade de la maison, la fenêtre de sa chambre à l’étage au centre, celle de Benjamin juste à côté sur la droite et celle de leur grand-mère sur la gauche. La chambre de Claire s’ouvre sur un petit balcon, qui lui semblait immense, le comble du luxe quand elle était petite ! C’était une grande source de fierté, et une grande source de jalousie pour Benjamin. La grand-mère justifiait “Ta soeur est plus grande, c’est dangereux un balcon, tu es trop petit”. Benjamin enrageait, Claire jubilait.
Le café bu, Claire se décide à s’y mettre, elle va commencer par le salon. Faire des cartons pour ce qu’on donne, des cartons pour ce qu’elle va garder, des cartons pour ce que Benjamin va garder, des sacs poubelle pour ce qu’on jette. Sur le buffet trône une collection de cadres, souvenirs des gens et du temps qui passent. Une photo de mariage de la grand-mère et du grand-père qu’ils n’ont pas connu, mort trop tôt. Une photo de Claire et de Benjamin devant le club Mickey de la plage, ils doivent avoir 8 et 5 ans. Une photo de Claire et de Benjamin de retour de la pêche aux crevettes avec leurs épuisettes et leurs petits paniers en plastique, ils ont environ 13 et 10 ans. Toutes les photos de classe sont punaisées sur le mur au-dessus du buffet. Et puis il y a une photo de Claire avec son diplôme d’ingénieure et puis Benjamin dans son garage les mains pleines de cambouis. La grande absente, c’est leur mère bien-sûr. Un jour, il y a très longtemps, elle est partie et on n’avait plus jamais eu de nouvelles. Est-ce qu’elle était morte, est-ce qu’elle était vivante, est-ce qu’elle pensait à eux ? On n’a jamais su. Comme ils n’avaient jamais eu de père, même pas certain que ça soit le même, c’est la grand-mère qui les a élevés avec ces petits moyens, comme elle a pu, c’est-à-dire merveilleusement bien. Claire essuie une larme, encore une, et se dit qu’elle n’avance à rien. Les photos, les cadres, évidemment on garde. Elle attendra Benjamin pour la répartition. Elle regarde autour d’elle, ce petit salon sombre qu’elle aime tant, ces vieux meubles en bois foncé qu’elle détestait enfant, et toute cette poussière qui n’a même plus le courage de voler. Ca fait longtemps que la grand-mère ne voyait plus grand chose, et puis le ménage n’a jamais été une grande passion pour elle, c’était une femme moderne ! Ce qu’elle aimait, c’était lire. Il y a des livres partout, dans toutes les pièces, même dans les toilettes, sur tous les meubles, sur le frigo, au pied du lit, dans les armoires. Claire se souvient que sa grand-mère aimait beaucoup écrire aussi, des cartes postales et des lettres, même s’ils ne partaient jamais en vacances ailleurs qu’ici, mais aussi des carnets, des petits carnets de couleur qu’elle noircissaient de son écriture serrée et de moins en moins lisible avec les années. Ils n’avaient jamais eu le droit de lire ces carnets, ils n’avaient jamais su ce qu’elle en faisait, si elle les gardait ni où elle les rangeait. Claire espère mettre la main dessus pour enfin savoir, comment elle avait pu oublier ces petits carnets ! Soudain elle ne pense plus qu’à ça. Elle monte quatre à quatre les marches de l’ escalier, longe le couloir où des piles de livres menacent de s’écrouler et gagne la chambre de sa grand-mère. Et elle fouille. Partout. Dans l’armoire, dans le petit secrétaire, sous le lit, dans le petit cabinet de toilette, dans les tables de chevet. Mais rien, pas le moindre petit carnet coloré. Elle entend la petite cloche attachée au portail, elle va voir à la fenêtre, Benjamin vient d’ arriver. Les nuages ont fait leur apparition, le ciel est soudain très menaçant, ils ne vont pas pouvoir déjeuner dans le jardin. Elle descend les escaliers, elle entend Benjamin qui ouvre la porte récalcitrante et les gouttes de pluie qui commencent à rebondir sur les vitres. Il l’a échappé belle ! Benjamin pose un panier rempli de victuailles et tend les bras vers sa sœur, qui vient s’y blottir tendrement. Elle laisse venir les larmes, encore des larmes.
“Comment va ma petite soeur ?” la taquine-t-il
“OK t’es plus grand, mais je suis l’aînée je te rappelle”
“Oui mais maintenant c’est moi qui te regarde de haut”
Il passe ses mains sur les joues de sa sœur pour essuyer les dernières larmes, puis il lui montre le contenu de son panier, visiblement fier de lui.
“Du hareng pomme à l’huile, quelques tranches de gigot et une bouteille de vin pétillant. Je me suis dit qu’il devait rester des dizaines de boîtes de conserve de flageolets pour accompagner le gigot”
Il sort également une boîte en carton qui vient du boulanger du village.
“Devine ?”
“Des grillés aux pommes, évidemment ! Le repas préféré de Mamie, sauf que je déteste les harengs.”
“Moi aussi je déteste les harengs, mais j’ai pas pû m’empêcher, alors tu vas me faire le plaisir d’en manger !”
Il balaye le salon du regard, il laisse les souvenirs l’envahir à son tour, il regarde les photos, il voit sa propre vie défiler par petites coupures remplies d’amour et de fierté. Il regarde sa sœur et la prend de nouveau dans ses bras, sa petite grande sœur a l’air tellement fragile depuis que la grand-mère est partie. Pour interrompre ce moment trop plein d’émotions qui le gêne, il taquine de nouveau sa sœur “Dis donc, t’as drôlement bien avancé ce matin, y a presque plus rien à faire”. Claire sourit, elle a tellement besoin de lui et de sa bonne humeur permanente.
Ils décident de manger, ils attaqueront le grand tri après. Claire met une jolie nappe en lin beige et les assiettes du dimanche, les blanches avec le liseré doré. Sans le faire exprès, elle a mis trois assiettes. Benjamin la voit faire mais ne dit rien. Elle va prendre les coupes pour le vin pétillant, elle les trouvait moches avant, trop travaillées, ces coupes avec le pied torsadé et les grappes de raisin ciselées sur le verre. Aujourd’hui, elle les trouve d’une élégance folle ! Benjamin fait sauter le bouchon de la bouteille et remplit les trois coupes. Il tend un verre à sa sœur et lève le sien.
“A Mamie”.
Il boit son verre d’une traite, Claire lève son verre mais ne boit pas.
“Tu ne bois pas ?” demande Benjamin
“Je suis enceinte” annonce-t-elle à son frère dans un sourire fier et triste
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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