Elle a pris le train à Zurich. Elle quitte la Suisse, les alpages d’un vert tendre, la vue sur des sommets enneigés, une ville propre, trop propre, sage, trop sage. Elle a hésité à monter dans le train sans billet, juste avec son bagage. Une dernière tentative de désobéissance sociale.
Elle a vécu en Suisse trop longtemps, elle a laissé son côté rebelle sur le bas-côté en sortant de l’adolescence.
Avant de partir, elle a arrosé les géraniums dans les jardinières suspendues à son balcon. Elle s’est dit en versant l’eau fraîche distraitement qu’elle préférait les bégonias. Dans sa valise, elle a pris des bulbes pour en planter dès que le train s’arrêtera. Elle a pris le premier train, elle ne sait pas où elle va.
Elle ferme les yeux. Elle veut oublier la Suisse, sa neutralité, son calme permanent, sa bien-pensance, sa bienséance. Elle veut du feu, des flammes. Elle veut vivre.
Elle ne sait pas dans quelle direction elle va : à l’est, à l’ouest, au sud, au nord ? Elle ouvre les yeux pour tenter de s’orienter. Dehors, tout est vert, il y a de l’herbe, des arbres et même des fleurs, toutes sortes de fleurs. Il y a de la mousse aussi, qui aurait pu lui permettre de trouver le nord. Mais la mousse est partout, tout autour.
Elle ouvre un carnet à pages blanches, plie bien sur la reliure pour qu’il soit bien à plat. Elle se lance sur la première page : et si le train se dirige vers le nord, où m’emmène-t-il ? Elle écrit tentant vainement de s’échapper de sa géographie. Le train roule à une vitesse phénoménalement lente. Ça l’étonne. Les Suisses parlent lentement mais leur train… Pourquoi auraient-ils pris le même rythme ? Vivement qu’elle quitte ce pays. Elle se dit qu’elle ne le remarquera peut-être pas tout de suite. A la frontière, elle traversera la forêt noire, encore des arbres, encore du vert. Ce sera évidemment plus dense, plus ébène, ce sera ça le signe du passage de la frontière. Et après la forêt noire ? Le train parcourra des plaines, des ponts et se retrouvera dans un espace blanc devant, derrière, en haut et sur le sol, dur comme de la glace éternelle.
Là-bas, se dit-elle, il fera jour trop longtemps, puis il fera nuit trop longtemps. Là-bas, il n’y a pas de désordre non plus. Quel est l’intérêt d’aller là-bas alors ?
Elle tourne la page de son carnet et commence : et si le train se dirige vers l’est ? Jusqu’où vers l’est ? Après avoir franchi combien de montagnes, de l’intérieur ou par l’extérieur. Elle aura forcément mal au cœur de tous ces virages, de tous ces contournements ; elle aura aussi mal aux oreilles dans les longs tunnels sombres. Osera-t-elle s’émerveiller des contrées empruntées par le fameux Orient Express ? Tentera-t-elle d’aller jusqu’au terminus du Transsibérien ? Tout ça est loin, trop loin. Trop de trains sont passés par là, signant des arrêts de mort.
Il y a encore des traces de tranchées passées, de tranchées pas si passées et encore du sang qui coule sur la terre. Ici, juste après la frontière et là-bas, oui là-bas, mais on n’en parle pas.
Si elle pousse un peu plus loin, elle pense qu’elle pourrait attraper le soleil au réveil. On dit bien « le pays du soleil levant ». Ce serait une belle idée d’y arriver mais elle aurait l’impression d’aller à contre-courant. Avant d’atteindre les tout premiers rayons matinaux, elle aurait à traverser des steppes mongoles, un paysage loin, très loin de la Suisse qu’elle laisse derrière elle.
Elle hésite. A l’est, il y a trop de possibilités. De possibles guerres, de possibles catastrophes nucléaires, de possibles tourments météorologiques. Elle aimerait y voir quelque chose de positif. Mais quoi ? Tout est vaste, tout est grand. Pourtant l’espace est-il vraiment ouvert ?
Pourra-t-elle en allant vers l’est accomplir ce doux rêve de mouvement, de changement, de chamboulement ? Elle conclut d’une phrase ferme et sans appel. A l’est, les révolutions sont avortées. Un homme debout devant un char. Qu’est-il arrivé ? Des révolutions d’octobre, des printemps, des pavés, du sang, encore du sang. Du rouge, trop de rouge.
Elle veut avancer, laisser le silence derrière, mais elle ne veut pas se tuer à la tâche. Elle tourne la page de son carnet. En haut de la page, elle se pose encore la même question, en changeant de cap : et si le train se dirige vers le sud ?
Elle sourit puis fronce les sourcils. En train, elle n’ira pas bien loin. Le plus loin, ce sera dans le talon de la botte. Ensuite, il faudrait prendre un bateau, un autre moyen de transport. Mais l’Italie, l’Italie, ça doit être un sacré pays. Elle s’étonne de n’y avoir jamais mis les pieds. Même lorsqu’elle était sur les pistes de ski, elle est certaine de n’être jamais passée de l’autre côté.
Ça lui aurait sûrement plu l’Italie. Il y a plus de bruit, plus de désordre, plus de vie. Ça parle fort, ça parle en chantant, ça rit, ça crie, ça klaxonne même quand ça a tort. Elle a pris des cours d’italien il fut un temps. Elle a lu des livres, vu des films, tout en italien. Pour s’immerger dans la culture, sans vraiment se mélanger avec les gens. Ça lui paraissait plus facile, moins encombrant, pourtant tellement loin de la vraie vie.
Elle lève la tête quelques instants, regarde par la vitre, elle espère qu’elle est allée en Italie. Elle veut croire que c’est là-bas que la ville sera moins propre, moins sage. Qu’elle aussi sera moins propre, moins sage.
Elle dessine des fleurs sur son carnet. Pour elle, l’Italie est colorée, elle veut l’illustrer. Elle continue à dessiner, à imaginer un pays, une terre d’accueil.
Son esprit la rattrape, quelque chose ne va pas, quelque chose n’est pas cohérent. Elle a lu quelque part qu’il y a plus d’Italiens en dehors de l’Italie qu’en Italie. Est-ce vrai ? Est-ce bien de l’Italie qu’il s’agit ? N’empêche que ça lui tourne dans la tête.
Elle met dans la balance, la langue, l’architecture, le beau et l’esthétique et de l’autre côté, le poids de la diaspora, de la fuite, de la mafia, de tous les clichés sur l’Italie.
Elle s’en veut depuis qu’elle écrit sur son carnet de ne pas aller au-delà des clichés, de ne pas aller au-delà des préjugés. Elle a pourtant vécu en Suisse suffisamment longtemps pour comprendre la neutralité.
Et si elle va plus dans le sud, si elle navigue sur la Méditerranée, dans l’autre sens que celui qu’on prit les nombreux corps au fond de l’eau, que trouvera-t-elle là-bas ? Prendra-t-elle le train jusqu’au Cap, jusqu’au bout du monde ?
Elle ne sait pas, elle tourne la page. Elle écrit : et si le train se dirige vers l’ouest ? Il n’y a que la France à traverser. Le pays de toutes les révolutions, le pays où règnent simultanément la paix et le chaos.
La France, La France, écrit-elle, un grand pays si petit, un petit pays pourtant grand. Tout est question de point de vue. Alors oui, elle se dit que la France, ça peut être une bonne idée, une ruée vers l’ouest. Mais c’est tellement frontalier, tellement proche. Elle réessaie : c’est le pays de la liberté, de l’égalité, de la fraternité. Se sentira-t-elle à sa place ? Aura-t-elle l’impression d’avoir franchi un cap? D’avoir retrouvé son âme d’enfant, son âme d’adolescente ?
La France est un vieux pays. Elle est sur le Vieux Continent. Comment pourra-t-elle aller vers un renouveau ? Comment pourra-t-elle explorer, découvrir, comprendre, apprendre ?
Elle dessine la France sur son carnet, enfin un hexagone. Elle se dit voilà, c’est un pays géométrique, pas carré certes, donc avec de fortes possibilités d’occuper l’espace comme on le sent, artiste ou pas, révolutionnaire ou pas, comment on est tout simplement. C’est le pays des droits de l’homme, elle l’a suffisamment entendu, même au siège de l’ONU à Genève.
L’idée d’être acceptée comme elle est, juste comme elle est, lui plaît bien mais ce n’est pas assez. Elle a entamé sa révolution intérieure, elle sait qu’elle évolue, elle sait qu’elle change, elle ressent qu’elle devient une autre personne qu’elle espère meilleure, plus en phase avec elle-même.
Alors la France, oui mais non. Il va falloir prendre l’avion, survoler l’océan et atterrir dans une autre ville, dans une autre ville où l’ONU a son siège. Elle se dit que ça ne lui fait pas beaucoup de chaises à l’ONU pour représenter tous les pays du monde ou presque.
Elle est citoyenne du monde, elle vient d’un pays d’un ennui vert émeraude et elle veut de l’action. Elle tourne la page de son carnet. Et si c’était l’Amérique, l’autre pays de la liberté ?
Elle se voile la face sur l’immigration du siècle dernier, sur Ellis Island avant de voir la Statue de la Liberté. Elle veut chanter haut et fort New York, New York, même si elle chante faux. Là-bas, tout est grand, tout est immense. Il y a des gens de tout pays. Y a-t-il quelques américains ? Elle est sûre qu’elle entendra parler anglais, français, italien. Elle ne reconnaîtra pas les langues scandinaves, ses oreilles titilleront sur des sonorités slaves, elle devinera les langues qui viennent de l’Extrême-Orient, celles qui viennent du Moyen-Orient même si elle ne les comprend pas.
Elle s’abreuvera de toutes ces langues comme des porte-drapeaux. Elle se souviendra qu’ici aussi, à la surprise mondiale, une attaque a laissé une cicatrice indélébile. Elle continuera à écrire sur son carnet. Elle racontera pour qui, elle ne le sait pas. Elle espère qu’elle s’éloignera de toute forme de jugement, qu’elle laissera la joie, l’émerveillement s’installer durablement en elle.
Son train arrive à Charles-de-Gaulle. Elle soupire de soulagement. Elle a pris la direction qui lui convient. Elle se faufile jusqu’au terminal 2. Elle prend un billet aller simple. L’hôtesse lui fait remplir quelques formulaires. On ne rentre pas comme ça dans le pays de toutes les libertés. Il faut savoir montrer patte blanche.
L’hôtesse lui demande si elle a quelque chose à déclarer, lui fait signer un autre formulaire puis la laisse passer.
Dans l’avion, après le décollage, la tête dans les nuages, elle ferme les yeux. Dans sa poche, elle tient le bulbe de bégonia. Elle s’endort paisiblement, le sourire aux lèvres, le front détendu. Le voyage lui paraît plus court que son voyage en train. Elle se pose moins de questions, c’est peut-être pour ça.
A l’arrivée du printemps, elle se rend à Central Park. A l’ombre d’un séquoia, elle creuse la terre discrètement. Elle enfonce le bulbe, le caresse une dernière fois et le recouvre de terre. Elle l’arrose délicatement, consciencieusement.
Elle préfère les bégonias. Elle le réécrit dans son carnet. Chaque matin, elle passe devant le séquoia, le salue et lui demande si le bégonia est bientôt prêt.
Le jour de son anniversaire, un jour de mai, une explosion de couleurs s’agite au pied du séquoia. Elle entend le bruit du vent doux, elle écoute la longue discussion entamée entre le grand séquoia et le petit bégonia.
Elle est ravie. Sa place est ici. Au moins pour quelque temps.
Sur son carnet, elle croque et dessine le séquoia et le bégonia. Elle écrit aussi, en français et dans d’autres langues aussi. Au début de chaque carnet, elle écrit « Ce carnet appartient à … » avec un point de suspension. Elle a envie qu’il soit sien et au monde entier.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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