Et voilà ! C’était le début d’une longue journée. Ambre se tenait devant le portillon du jardin. Plus loin, elle distinguait la maison. C’était une ancienne demeure cossue sur 3 étages au milieu d’un grand jardin. La propriété se situait au fond d’une petite impasse. Ambre poussa le portillon dont le grincement retentit dans le matin calme. Ses pas résonnaient sur les dalles du chemin. Elle s’arrêta à bonne distance et observa la maison. Même si elle gardait son éclat d’antan, elle avait connu des jours meilleurs. Les volets étaient défraichis et quelques uns pendaient sur le côté. Ambre se souvenait de leur bleu intense. Elle tourna sur elle-même pour observer le jardin. l’herbe était haute mais on pouvait voir les touches de couleur ça et là. Le jaune des jonquilles. Le rouge des tulipes. Le violet des jacinthes. Elle prit une profonde inspiration et approcha de la porte. la clé était lourde dans sa poche. Ses doigts en dessinaient les contours à mesure qu’elle avançait. Ambre monta les marches puis hésita. elle ne se sentait pas encore prête à entrer. Elle redescendit pour se diriger vers le fond du jardin. Le banc était toujours là. Au son du chant des rossignol, elle zigzagua dans les hautes herbes pour l’atteindre. Un léger vent froid perçait son manteau mais le banc était au soleil. D’ici, Ambre avait une autre vision de la maison. Une grande vigne courait le long du mur et pleins de fleurs entouraient une petite terrasse. Elle ferma les yeux un instant et se plongea dans ses souvenirs.
La maison appartenait à la tante Lucienne. Ce n’était pas vraiment sa tante mais plutôt celle de sa mère. Pourtant elle avait toujours été là. Peut-être même plus que sa grand-mère. Elle avait pris l’habitude de venir parfois la chercher à l’école et de la garder le temps que ses parents finissent le travail. Une fois par mois, ils étaient tous invités à manger. Lucienne faisait son célèbre bœuf bourguignon et sa tarte aux pommes. Ambre et ses cousins allaient ensuite courir dans le jardin. Mais ses meilleures souvenirs étaient ceux d’été. Où elle venait passer plusieurs semaines pour faires des vacances aux parents. Elle était alors seule avec tante Lucienne. Elles cuisinaient , s’inventaient des histoires, jardinaient. Comme elle était seule, Ambre avait tout un étage rien que pour elle. Parfois, elle construisait des cabanes immenses. En grandissant, elle avait fini par ne plus venir autant, mais elle continuait dès qu’elle pouvait. Puis la famille avait déménager loin de tante Lucienne. Les visites s’étaient faites encore plus rare mais Ambre ne voulait pas perdre ce bout de son enfance, alors elle avait continué à appeler régulièrement. Lucienne s’était même déplacé pour sa remise de diplôme et son mariage. L’année passée, Ambre était revenue s’installer proche de tante Lucienne parce qu’elle rêvait de voir grandir son fils, Axel, lui aussi dans cette maison. Ambre revint au moment présent. Ce n’était surement plus qu’un rêve.
Le ciel s’était assombrit et les nuages cachaient à présent le soleil. Elle frissonna puis se décida enfin à entrer dans la maison. Elle avait rendez-vous ensuite et l’heure tournait. Cette fois-ci, elle glissa la clé dans la serrure et poussa la porte. Elle fut aussitôt assailli par l’odeur particulière de Lucienne. Cette odeur qui la caractérisait ainsi que la maison. C’était un mélange d’herbe coupé, de lessive et de pomme. Les souvenirs dansèrent à nouveau dans son esprit mais Ambre secoua la tête puis se dirigea vers le grand escalier en bois. Il fallait faire attention car le temps avait rendu les marches glissantes. Ce que Ambre préférait était passer sa main sur la rembarde. Toutes les mains avaient fini par la rendre douce. Au 1er étage, elle se dirigea au fond du couloir. La poussière volait dans l’obscurité. Ambre entra dans la chambre et se dirigea vers la grande armoire normande. Elle y trouva un sac qu’elle déposa ensuite sur la lit. L’odeur était encore plus forte ici. Elle attrapa des vêtements puis les affaires de toilette dans la salle de bain attenante. Elle hésita puis prit aussi le livre sur la table de chevet. Elle refit mentalement la liste et décida qu’elle avait tout. Elle referma délicatement la porte et se dirigea vers l’escalier. Elle posa un pied sur la première marche et tourna son regard vers l’étage du dessus. Ambre posa le sac au sol et grimpa les marches. Elle arriva dans ce qui était son domaine avant. Presque rien n’avait changé. Elle passa de pièce en pièce comme si elle feuilletait un album avec ses souvenirs d’enfance. Dans une des chambres, il y avait même toujours les draps pour faire des cabanes. Ambre laissa son sourire s’étirer. C’était comme si la maison attendait son retour. Elle entendit au loin la pendule sonner.
Alors elle laissa ses souvenirs à l’étage et descendit sans oublier le sac au passage. elle n’était pas en retard mais pas en avance non plus. Le sac atterrit à côté de la porte pour être sure de ne pas l’oublier, puis elle alla dans la cuisine. Ambre voulait ranger un peu avant de partir. Mais avant tout, elle remplit une casserole d’eau et la met à chauffer avec un peu d’appréhension. Elle avait toujours eu peur de cette cuisinière à gaz. Les flammes dansaient sous la casserole dans la pénombre. En levant les yeux, elle vit que les plantes aromatiques sur le rebord de la fenêtre avait commencé à faner. Elle entreprit donc de les couper et de les arroser. une fois satisfaire, elle attrape une tasse propre et verse l’eau chaude, puis elle se dirige vers le placard à thé. C’était un des grand trésors de tante Lucienne. Des centaines de thé tous différents. Laissant les feuilles infusées, Ambre ramassa la vaisselle sale et la déposa dans l’évier. Elle vida la cafetière à filtre et la déposa elle aussi avec le reste. puis c’était le tour du frigo. Elle avala une gorgée chaude pour se donner du courage. Elle scanna le contenu et commença à vider et jeter. Au fond, elle tomba sur les harengs pomme à l’huile. Un des plats préférés de sa tante. Un plat que Ambre avait en horreur. Elle souleva le couvercle et n’hésita pas un instant à jeter le contenu à la vue des moisissures sur les bords. Le plat rejoint la pile dans l’évier. Et Ambre s’empara de la poubelle. l’odeur était trop insupportable. Elle la déposé juste sur le perron pour la porter en partant. Lorsqu’elle revint dans la cuisine, le pendule sonna à nouveau. Juste le temps de faire la vaisselle et il serait temps de partir. Pendant plusieurs minutes, il n’y eu donc que les bruits de vaisselle dans l’eau pour empli l’espace. Elle avala le rester du thé et rinça la tasse. Puis elle fit un tour dans le salon pour tout vérifier une dernière fois. Que les volets étaient fermés ainsi que les fenêtres. que tout était éteint. Que rien ne trainait. Elle s’arrêta devant le buffet avec tous ces cadres photos. Celles avec toute la famille. Celles avec les amis. Celles qu’on lui avait envoyés au fils des ans. Ambre en sélectionna quelques uns et les rangea aussi dans le sac. Elle jeta un dernier regard avant de sortir. Elle reviendrait mais c’était comme la fin d’une ère.
Une petite bruine l’accueillit quand elle sortit. La porte fermée, elle glissa la clé dans sa poche et attrapa le sac et la poubelle. Un détour pour la déposer et Ambre se retrouva dans sa voiture. La journée n’était pas encore finie. Elle se rendit dans le village voisin, plus précisément à l’hôpital des Lilas. Lucienne s’y trouvait depuis quelques jours. Après une chute qui avait provoqué une fracture du fémur, tout le monde avait préconisé qu’elle ne reste pas seule chez elle. Tante Lucienne avait accepté à contre cœur. Mais avec toutes les démarches, personne n’avait eu le temps de passer chez elle. C’était donc Ambre qui venait de le faire. Elle se dirigea vers la chambre de Lucienne apportant son sac. Elle était tellement ravie d’être revenue pas loin pour pouvoir s’occuper de tout cela. En poussant la porte, elle la vit toute petite dans son lit. Elle avait l’impression que Lucienne avait vieillit d’un coup. Le grincement la réveilla et Ambre lui sourit.
« Je reviens de la maison. Tout va bien. Elle attend que tu reviennes. »
Le sourire que Lucienne lui retourna était triste. Elles savaient toutes deux qu’elle n’y retournerait pas.
« Je suis sure que c’est plutôt toi qu’elle attendait. »
Cette remarque allégea un peu l’atmosphère. Ambre déposa le sac dans un coin de la chambre et approcha une chaise. Elle prit la main de Lucienne et lui raconta sa matinée.
« J’ai vu que tu laissais toujours des draps trainés.
– Tu es montée tout en haut ?
– Oui j’ai eu envie de faire un tour. Et ne t’inquiète pas j’ai arrosé les plantes.
– Tant mieux, merci !
– Par contre, j’ai du jeter ton hareng pomme à l’huile. Il faisait trop de vie.
– Je suis sure que tu l’as fait à contrecœur.
– Je ne comprends toujours pas comment tu peux aimer cela. Je t’ai pris ton livre aussi.
– Merci, les journées sont un peu longue ici.
– Et quelques cadres pour égailler l’espace. »
Les deux femmes continuèrent à discuter jusqu’à la in des visites. ambre embrassa Lucienne puis partit rejoindre sa voiture. elle reviendrait demain aussi mais cette fois-ci avec des brochures pour EHPAD. Ambre ne voulait pas la brusquer mais Lucienne ne pouvait pas rester seule. Elles devaient lui trouver une place quelque part. Puis il faudrait réfléchir à la maison. Ambre ne voulait même pas y penser.
« laisser se souvenirs à l’étage »: et oui, il faut faire face mais comme c’est prenant ce moment où tout bascule. Merci pour ce beau texte. Sylvie