Ils étaient partis nombreux. Le début du trajet à pied, puis un train, en voiture pour certains, puis à nouveau à pied. Ils s’étaient retrouvés à l’orée de la forêt, chapeau ou casquette sur la tête, lunettes de soleil, baskets ou chaussures de marche aux pieds.
Le chant du rossignol avait lancé le début de la marche. Après quelques heures, ils s’étaient installés au milieu d’une clairière, avaient déplié une longue et grande nappe. Caroline avait une boîte de sardines dans sa besace. Elle la sortit discrètement et la posa avec les autres victuailles. Avant de commencer, Benjamin s’exclama : « C’est à boire qu’il nous faut ».
Un rayon de soleil s’invita le premier, personne n’avait osé commencer. Fallait-il se servir de ce qu’on avait apporté au risque de passer pour quelqu’un qui ne sait pas partager ou fallait-il proposer à chacun ce qu’on avait apporté au risque de ne pas en avoir non plus pour soi ?
Ambre avait apporté des harengs pommes à l’huile fait maison et elle en était plutôt fière. Elle attendait un « Qui a apporté le hareng ? C’est super bon ! ». Au lieu de ça, une voix pragmatique résonna : « Ça sent fort le hareng, on devrait commencer par ça, vous ne croyez pas ? ». Ah ce Nicolas, toujours à vouloir dire aux autres quoi faire et comment. Ambre avait de plus en plus de mal à le supporter.
Les assiettes tournaient en rond, se remplissaient de hareng pommes à l’huile. Lucie lança : « Qui veut du pain ? » Guillaume « Qui veut du vin ? Ah merde, il est où le tire-bouchon ? ».
Il y eut un silence de quelques minutes, le bruit de mastication générale le rompait et le rythmait.
Les yeux d’Ambre sautillaient de l’un à l’autre. Son cœur cognait fort. Elle avait passé la veille à préparer son plat. Des assiettes s’étaient vidées et plongeaient vers autre chose : du taboulé, une salade de lentilles froides, du fromage. Ce qui était bien quand on mangeait en forêt, c’était qu’on se permettait de lâcher les conventions : on s’asseyait par terre, on mangeait avec les doigts, on commençait par le dessert, le fromage, on faisait comme on voulait. Ça réveillait notre âme d’enfant libre.
Il restait un peu de hareng, c’était bête, pensait Ambre. Elle proposa à Nicolas de finir. C’était tout de même lui qui avait lancé l’idée de commencer par ce poisson qui sentait trop fort. Il déclina et confessa discrètement : »Non merci, chuis pas fan ». Coup de massue. « Mais je t’en prie, prends-en toi si t’aimes ». Sans un mot, elle se servit et mangea doucement. La couleuvre n’était pas encore bien passée.
Nicolas se jetait sur tout, comme s’il n’avait pas mangé de la semaine. Guillaume et Benjamin échangeaient sur la robe du vin, en experts du dimanche. Caroline n’osait pas trop prendre de fromage, elle demanda la salade de fruits, louchant sur le fondant au chocolat.
Lucie lui dit : « Tu veux du gâteau aussi ? C’est moi qui l’ai fait. 100 % fait maison. Avec du sucre de coco, de la farine de châtaigne. Tu vas voir, c’est carrément bon et c’est mieux pour la santé ». Caroline céda. Elle marcherait un peu plus tout à l’heure.
Ambre retenait ses larmes, encore vexée pour le hareng. Elle respira profondément pour les ravaler, se tourna vers les arbres. Un petit animal espiègle la fixait. Il aurait sûrement apprécié le hareng lui, se dit-elle !
Le rire gras de Nicolas la sortit de sa rêverie, de son échange avec le petit animal.
– Qu’est-ce qu’on a comme poisson aujourd’hui ! Du hareng, de la sardine. Il manque que le thon et la morue. Ah bah non, ça aussi on a, hein les filles?
Qu’il s’étouffe avec sa bouchée, pria Ambre. Caroline arrêta le mouvement de la cuillère pleine de fondant, la bouche encore ouverte. Lucie le fusilla du regard et lâcha un « T’es vraiment trop con, Nicolas ».
– Ben quoi, c’est pour rire les filles, y a rien de mal.
– En fait si, interrompit Benjamin sèchement. C’est même un délit.
– N’importe quoi, si on ne peut plus rien dire.
Nicolas se servit à nouveau, un gros morceau de fromage, du pain et tendit son verre de vin à Guillaume.
Le silence fut lourd.
Ambre chercha le petit animal dans les arbres, il était parti. Elle soupira. Pour briser la glace, elle tenta : « J’ai apporté du café et du thé dans des thermos. Quelqu’un en veut ? ».
Caroline prit du café, Lucie du thé. Benjamin et Guillaume finirent simultanément leur verre de vin pour pouvoir passer à la boisson chaude. Guillaume demanda : « Y a du sucre pour le café ? ».
Lucie lui conseilla :
– Tu sais, le sucre blanc, c’est pas bon pour la santé, c’est raffiné. Il paraît même qu’ils trempent le sucre dans l’eau de Javel pour qu’il soit blanc.
– Sans déconner Lucie, c’est chaud ça quand même. De l’eau de Javel ?
– C’est une légende urbaine l’histoire de la Javel, intervint Benjamin.
– Peut-être mais c’est sûr et certain que le sucre, c’est la nouvelle drogue du siècle. En plus, c’est légal. Hein, Benjamin l’avocat, le taquina-t-elle.
– Du coup, on a du sucre ou pas pour le café ?
– Ben non, mais mange du fondant au chocolat en même temps, ça devrait te le sucrer sainement, proposa Lucie.
– Je veux bien du thé, dit Benjamin en tendant son gobelet à Ambre. C’est du thé vert, comme d’habitude ? D’ailleurs, il faudrait que tu me dises où tu l’achètes parce qu’il est vraiment super bon.
– Bien sûr, rougit Ambre.
Elle posa les thermos sans servir Nicolas, resté curieusement très calme, à ronger son frein.
Caroline commença à débarrasser les récipients vides pour ne pas attirer les fourmis, les guêpes et autres insectes. « Il reste des fruits secs. Quelqu’un ? ». Elle prit Nicolas en pitié et lui posa devant sans attendre de réponse.
Guillaume s’occupa des bouteilles vides. Il avait repéré un container de verre à la gare.
Les déchets étaient tous rassemblés. Lucie secoua la nappe et la plia avec l’aide de Benjamin. Ils remirent leur sac à dos, se dirigèrent vers la pompe à eau pour remplir leur gourde.
Ils repartirent à la queue leu leu. Lucie, Benjamin, Guillaume, Caroline, Ambre et Nicolas qui fermait la marche pour une fois. Ils marchèrent en silence pendant dix à quinze minutes, peut-être plus, peut-être moins, le temps était suspendu dans ces moments-là. Ils se sentaient chacun seul avec la nature, avec un besoin de silence, de retraite et d’intériorité. Benjamin rattrapa assez vite Lucie, Guillaume aussi.
– C’était sympa, non ?, demanda Guillaume.
– Ouais, depuis le temps qu’on en parlait.
– En plus, c’était super bon. Tout était super bon. Même le hareng alors, qu’en toute honnêteté, je pensais ne pas aimer ça.
– Tu devrais le dire à Ambre, c’est elle qui l’a préparé. Ça lui ferait sûrement plaisir.
Guillaume se retourna et leva ses deux pouces en l’air en direction d’Ambre en souriant. Ambre lui rendit son sourire sans vraiment comprendre, à part qu’il était content.
– Dis-moi Lucie, ton fondant aussi il était super bon, on aurait dit un vrai.
– T’es drôle Guillaume, c’est quand même un vrai gâteau.
– Oui, enfin, je veux dire…
– T’inquiète, je t’embête.
– Ah d’accord… Et sinon, ça te dirait…
Benjamin ralentit pour les laisser à leur conversation. Guillaume lui avait déjà avoué qu’il en pinçait grave pour Lucie.
Caroline avait mis ses écouteurs et fredonnait en marchant. Ambre marchait doucement parfois le regard sur le sentier et plus souvent la tête en l’air, à droite, à gauche, plus haut, loin devant, comme si elle découvrait pour la première fois la nature et ses mouvements. Elle cherchait le petit animal tout en s ‘émerveillant de chaque feuille, branche, papillon, chenille, escargot, caillou… Ses yeux brillaient comme un enfant devant un sapin de Noël. Benjamin aimait beaucoup cela chez Ambre mais n’avait jamais osé lui dire. Il avait toujours peur de la déranger, de la sortir de ses rêveries qui la rendaient si belle.
Nicolas dépassa Ambre. Il avait envie de parler, de rigoler, d’être le centre de l’attention. Il n’aimait pas être en queue de peloton.
Benjamin s’arrêta prétextant un lacet à resserrer pour laisser le temps à Ambre de le rattraper. Caroline lui sourit en passant, chuchotant sa chanson. De la pop acidulée, avait cru deviner Benjamin.
Nicolas soufflait comme un buffle, il fouilla dans sa poche et prit sa Ventoline avec l’espoir de ne pas être vu. Il jeta un regard noir à Benjamin qui prétendit n’avoir rien remarqué, continuant à lacer ses chaussures pourtant serrées.
Nicolas était sur le point de doubler Caroline. Elle lui tendit un écouteur.
– Tiens, ça te dit ?
– C’est quoi ?
– De la pop, de la variété, rien de particulier, juste des chansons un peu entraînantes.
– Ok, dit-il.
– Prends un petit poisson, glisse-le entre mes jambes, il n’y a pas de raison pour se tirer la langue, chantonna Caroline, synchrone avec la musique.
– Tu te moques de moi ?
– Ben non, pourquoi ?
– Ben, ça parle de poisson encore et tout le monde me fait la gueule depuis ma blague tout à l’heure.
– Ouais, c’est vrai que ta « blague », dit-elle en mimant les guillemets, n’était pas drôle, Nicolas. C’était insultant même.
– T’as raison, j’aurais pas dû mais c’était pour mettre un peu d’ambiance, que ce soit sympa.
– Je sais. Toi, toi, mon toit, toi, toi, mon tout, mon roi, continua-t-elle à fredonner.
– Tu chantes bien Caro.
– Arrête, arrête, arrête.
– Pourquoi ? Ça te gêne ?
– Non, c’est dans la chanson. Toi, toi, mon toit, toi, toi, mon tout, mon roi. Prends un petit poisson.
– T’es marrante toi quand même. Je te parle et on dirait que t ‘écoutes pas.
– Et toi ?
Ambre arrivait enfin, elle avait cueilli des pissenlits, soufflait dessus pour faire des vœux. Elle avait ramassé quelques cailloux, des petits, puis les avait laissés tomber un par un derrière elle. Elle se retournait pour voir le chemin parcouru, la courbe dessinée. Elle marchait en marche arrière pour évaluer tout cela, elle espérait que le petit animal trouverait le chemin jusqu’à elle. Elle fouillait du regard les fougères en bas du sentier espérant le voir surgir.
Elle se cogna à Benjamin et trébucha. Il la rattrapa de justesse dans une position digne d’un renversé de tango argentin.
– Ça va ? Chuis désolé, j’étais en train de faire mon lacet.
– Ça va, ça va. Excuse-moi, je ne t’ai pas fait mal ?
– Pas du tout, pas du tout, t’inquiète.
Benjamin aurait aimé que cet instant dure une éternité. Ambre dans ses bras, des étoiles plein les yeux. Ambre se redressa et lui dit :
– Regarde, il est là, il nous a suivis.
– Qui ça ?
– Le petit animal, là.
-… Je t’aime, Ambre.
Ambre tourna la tête incrédule. Ils s’embrassèrent tendrement sous le regard complice et tendre du petit animal.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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