Aimer les bons marchés !

« Tout le monde n’est pas comme Toi ! »

Et heureusement pensais-je parce que le monde serait invivable. Si tous les petits hommes étaient verts quel ennui ! Oui, il a raison l’homme de ma vie, tout le monde n’est pas comme Moi : vouer un culte aux marchés ! À tous les marchés ! Hiver comme été, j’adore les écumer. Les étalages me fascinent. Quand la fraise papote avec la framboise sur la couleur de leurs robes, quand le butternut tient conférence avec le potiron et que le saumon repose en pavé pendant que la langoustine frétille, je suis au summum du plaisir. La cerise sur le gâteau, ce sont les cuisses de poulet. Parce que je hais les poules. Depuis longtemps. Peur de ces volatiles. Mais pas la moindre trouille quand ils sont dans mon assiette. Oui, je sais, c’est pas bien. M’en fous.

Au marché, j’ai la fibre acheteuse. J’adore la formule indirecte des commerçants.
« Elle veut deux choux-fleurs pour le prix d’un la p’tite dame ? »
« Mais bien sûr ! »
« Il faut nourrir nos idées pas nos kilos »
répète à l’envi mon Jules. Moi, j’aime bien réfléchir le ventre plein et les kilos, m’en fous aussi. Je nourris tout le monde : ma tête et mon corps.

Et puis dans un de mes marchés préférés, il y a le bel Alban. Le roi du vestimentaire. J’adore dénicher l’inutile indispensable. Je farfouille et je papote en même temps. De tout, de rien, de la vie comme elle va. C’est curieux aussi ces liens qui se tissent avec les commerçants.

Au marché de la place d’Aligre, il y a cette femme qui vend écharpes, chapeaux, gants pour une poignée de clous. Elle m’appelle « sa belle dame » et me raconte toujours des choses étonnantes. Dernièrement, elle avait décidé d’aller tuer Poutine. Surprise, j’avais cessé d’essayer étoles et bibis pour la dévisager. C’est pas tous les quatre matins qu’une commerçante a le bon goût et la belle envie d’aller supprimer ce fou furieux. Mon regard ne l’arrêta pas « On a eu le Covid, on a les retraites, le gaz explose et lui, qu’est-ce qu’il veut ? Qu’on me fasse entrer en Russie, et je le tue. Vous savez comment on fait pour entrer en Russie ?».
Je voyais vraiment pas comment se pointer en Sibérie pour dire à Vlad « Je crois que ça suffit, t’énerves tout le monde alors ou t’arrêtes ou on te tue ». Non, je savais pas mais en revanche, je me suis dit que c’était le bon moment pour aller boire un vin chaud.

De retour à la maison, j’ai dit à mon compagnon « Tu vas pas le croire mais au marché de la Place d’Aligre, il s’est passé un truc dingue. J’te raconte ? »

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