Elle a ouvert le coffre, elle a déposé sa valise. Son cœur bat fort, elle est vivante. Il est six heures, le jour pointe, elle prend la fuite.
Elle s’assoit derrière le volant, elle respire profondément puis tourne la clé de contact. Elle a peur que le bruit du moteur signale son départ, enfin sa fugue. Elle démarre, ça y est, elle est partie.
- Je ne pouvais plus supporter cette situation, la tromperie est trop grande, je me sens tellement bafouée. J’ai trop envie de tout envoyer valdinguer. J’ai des envies de vengeance. Je pourrais le tuer de tout gâcher. Je n’en peux plus de cet homme, égoïste, irrespectueux et volage.
La voiture roule à vive allure maintenant. Ces mains sont crispées sur le volant. Les pouces battent en rythme, mouvements mécaniques qui traduisent l’angoisse, la colère. Elle est concentrée sur la route mais elle n’est pas là, elle est ailleurs, dans un ailleurs de solitude, elle est si seule dans sa fuite.
Après un virage serré, la valise valdingue dans le coffre, la trajectoire n’est plus sure, elle tourne le volant brusquement à gauche puis à droite pour récupérer le véhicule, une embardée, les pneus crissent, elle freine, l’auto s’immobile dans le bas-côté. Un temps passe, la porte s’ouvre.
- Ça va Madame, vous allez bien ?
- Oui je vais bien, j’ai eu peur
- Vous avez perdu le contrôle,
- Oui je crois
- Vous êtes vivante, tout va bien
- Oui je suis vivante. Je vais sortir marcher un peu et prendre l’air
- Vous voulez que je prévienne quelqu’un ? votre mari ?
- Je n’ai pas de mari
Elle a repris la route. L’anxiété est tombée, la peur de l’accident a étouffé l’angoisse. Le mensonge l’a libéré aussi, elle n’a plus de mari, elle est partie, elle s’est libérée. Elle a fait sa valise pour rester vivante. Le paysage défile autour de la voiture, elle est aspirée par la route. Elle a la tête vide, elle n’a plus de désir de vengeance, elle est triste, seulement triste, le cœur triste.
Les kilomètres passent hors du temps. Le soleil s’est levé maintenant. Elle ne voit même pas les amandiers en fleur de ce début de printemps. La voiture connaît le chemin. Après la petite route, elle arrive sur la place, bout de la route, bout de village. Elle éteint le moteur. Elle respire.
Je l’ai fait, voilà je l’ai fait