Depuis toute petite, Iris détonnait. Avant deux ans, on excusait son attitude car chaque bébé était différent. Leur rapport au monde et aux autres se construisait à un rythme qui leur était propre.
Le problème c’est qu’Iris détruisait. Beaucoup. A la crèche, la moitié des jouets avait été brisés par sa petite poigne d’acier. Cinq paires de lunettes cassées dans l’équipe des auxiliaires, une vingtaine de touffes de cheveux arrachées, l’intégralité des livres placés sur l’étagère du bas, en miettes.
Iris était “la tornade” pour certains, “le tsunami” pour d’autres, mais ses surnoms ne quittaient jamais la catégorie des catastrophes naturelles. “Chaton”, “ma douce”, “ma poupée” c’était pour les autres. Pourtant, d’apparence, rien ne clochait. Iris était souriante, dormait bien et mangeait toujours avec appétit. Simplement, elle était incroyablement brutale et forte pour son âge.
Les choses commencèrent à empirer lorsqu’à l’âge de huit ans, elle se mit à soulever le frigo pour récupérer une sucette tombée dessous. D’une seule main, sans même une grimace d’effort, Iris avait déplacé le mastodonte sous les yeux mi-horrifiés, mi-fiers de ses mamans.
D’une manière générale, Iris avait pour consigne de ne pas faire de vagues. Les débats nauséabonds sur la PMA et les familles homoparentales n’étaient jamais loin et Iris était scrutée par tous ses détracteurs. Bien qu’elle ait la capacité physique d’un rugbyman, Iris restait une petite fille sensible qui n’avait pas besoin d’entendre des horreurs sur ses mamans.
Pour essayer de canaliser son énergie, ces dernières l’inscrivirent à la boxe pour fêter son dixième anniversaire. Dès le premier cours, elle avait mis tout le monde KO, y compris le coach. Elle manquait de technique mais la force était là. Le coach avait déclaré, l’œil humide “je le tiens, mon diamant brut”. Il s’était relevé en crachant deux dents, avait regardé Iris droit dans les yeux et lui avait dit : “on va en faire quelque chose de cette rage.”