L’art médiocre

L’art rêve du laid

L’artiste s’est donné pour consigne d’être médiocre

De peindre un paysage difforme

De mélanger les couleurs à l’aveugle

 

Alors il se saisit de son pinceau le plus émoussé

Celui qui n’a pas servi depuis au moins trois ans

Celui qu’il n’a jamais nettoyé

Et le brandit fièrement devant la toile blanche

 

D’ailleurs, cette toile est trop belle

Elle est trop blanche, trop droite, trop lisse

L’artiste la déchausse de son chevalet

Et la pose contre une chaise de jardin à même le sol

 

S’emparant de sa tasse de café froid de la main gauche

Il asperge la toile avec le liquide

Tandis que de la main droite

Il récupère le mégot à demi-fumant qu’il écrase au centre du rectangle

 

Sa palette de peinture

Autrefois si bien ordonnée

N’est plus qu’un tas de gadoue

D’on marron complètement monstrueux

 

L’artiste fait gicler les tâches de peinture sur la toile

Son instrument est si dégradé qu’il y laisse des poils

Il recule, contemple son oeuvre ou plutôt sa charpie

Irait-il jusqu’à ?.. Il crache sur sa toile

 

C’est dégoûtant.

C’est affligeant.

C’est à la limite du respectable.

Est-ce une production humaine, ou animale ?

 

Alors l’artiste, bouillant de lui-même, convulsé

Et libre de toute bienséance

Se retourne et saisit son smartphone posé sur le trépied

Sur TikTok, des milliers de fans dithyrambiques

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