Elle, c’était la lectrice. Oh, rien de bien original ni de sophistiqué. Juste une lectrice pour bouts d’choux de 3 à 5 ans, par petits groupes.
Il y avait ceux qui aimaient écouter des histoires ; ceux qui voulaient raconter eux-mêmes les images et laissaient peu d’espace à la lecture ; ceux qui se laissaient porter par la voix sans penser à rien ; ceux qui chahutaient ; ceux qu’un rien distrayait, une mouche, une paillette au sol, des chaussures neuves. Il y avait aussi ceux qui arrivaient main dans la main pour se donner du courage – quitter sa maîtresse, c’est pas rien. Il y avait les aventuriers qui voulaient tourner les pages avant de les lire et les volontaires qui voulaient choisir le livre.
Mais tous voulaient toucher les images, compter les bols de Boucle d’or, les oiseaux dans le ciel, comme si les doigts rendaient les illustrations plus réelles.
Alors, elle choisissait des livres au papier épais ou glacé, avec des pop-ups. Il n’y avait pas encore de livres odoriférants. Elle allait en fabriquer !
Il y avait les histoires « refuges », Boucle d’Or bien sûr. Il y avait les histoires sans histoires. Il y avait les histoires de doudou, celui qu’on a encore du mal à quitter. Il y avait des histoires drôles, des histoires sérieuses, des histoires vraies, des histoires cocasses. Parfois on s’y reconnaissait ou on reconnaissait son grand frère, sa petite sœur. Parfois on ne connaissait rien, ni les mots, ni les choses. Il y avait le livre des choses impossibles, évasion dans l’imaginaire ou plongeon dans l’absurde qui déroutait déjà certains petits esprits cartésiens.
Elle s’émerveillait de cette diversité miniature dans le monde des touts petits.
Mais elle s’inquiétait de ceux qui gardaient la tête penchée, le regard fuyant comme s’ils essayaient d’échapper à une vérité autrement plus réelle et difficile que celle de ces histoires.
A la relecture, j’aime toujours autant ce texte….les enfants, toutes les sortes d’enfants y sont très bien décrits.