Sur les ailes du désir tu t’endors. Tu respires par à coups, tu te retournes, rejettes la couverture et ronfles un peu, explorant pas à pas tes rêves tortueux. Te voilà dans ce paysage qui s’étend devant toi, tu pars à l’aventure comme un grand échassier noir parcourant une plaine vert- bleutée. C’est déjà l’été des sorcières mais tu ne t’en aies pas aperçu.
Dimanche dernier tu t’es bien ennuyé au déjeuner de famille rituel. Tu avais eu la gentillesse de t’asseoir à côté de ton oncle Joseph. Tu l’as bien regretté. Ses appareils auditifs ne fonctionnaient pas et il répétait en boucle » fait bien froid cette année « toi tu hochais la tête en répondant en boucle « oui, non, mais oui, c’est vrai ». L’oncle est un vieux chasseur qui a parcouru la forêt à pas furtifs, prédateur satisfait de ses dons de tireur. Dans ton rêve il est venu te torturer, il tient un lapin par les oreilles.la pauvre créature ne cesse de gigoter. Dans un instant il va l’égorger ou bien est ce que c’est toi qui enfonce une longue lame dans cette douceur de poils blancs ?
un frisson t’a réveillé, un léger courant d’air par la fenêtre entrouverte. Deux heures. Trop tôt pour te lever. Alentour, juste le bruissement du vieux chêne. Ton chien dort auprès du lit et gémit doucement. Lui aussi un rêve l’agite.
Tu es reparti, mais cette fois à cheval, dans un désert de pierres. Le cheval a trébuché, s’est relevé. Tu n’étais pas blessé alors tu as continué à galoper. Tu as su que tu étais en Islande. L’air pétillant de lumière rosée frôlait tes joues quand soudain un grand bloc de glace t’a barré le chemin. Le dos pris dans l’une de ses parois, l’oncle Joseph se marrait bruyamment . Tu as pris te jumelles pour appeler au secours. Tu as bien senti que quelque chose ne fonctionnait pas mais tu n’as pas trouvé pourquoi. Juste au moment où un ange de feu jaillissait à l’horizon, tu t’es réveillé, tout vibrant de curiosité. Qu’est ce qui ne collait pas dans ce fichu rêve ?le visage de l’ange a peu à peu disparu, tu n’auras jamais de réponse.
Ce qui est certain c’est que dimanche prochain tu iras t’asseoir à côté de Manon , ta jolie cousine qui rit à gorge déployée et porte toujours des robes très décolletées. Peut-être qu’alors tes rêves s’envoleront comme autant de sortilèges, peut-être que tu dormiras à pas légers, à bruits feutrés, niché sous ton édredon. Peut être qu’alors tu auras toutes les réponses à ton réveil….
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