Jour d’élection

Les bulletins sont dépouillés, les comptes sont faits. Félix a obtenu 100 voix sur les 250 possibles.

Félix est déçu.

Sur la place de la mairie, la foule se presse pour écouter les résultats. Le speaker s’échauffe la voix et teste le micro :

– Un-deux, un-deux… Tu m’entends ?

Ils étaient 12. Douze candidats cette année ; François, Jules, Martine, Juliette, Sébastien, Jeanne-Marie, Mario, Fabienne, Agnès, Yves, Alain, et Félix.

Il y a eu des éliminés à chaque tour. Des roulements de tambour avant chaque délibération.

Il y a eu des départs fracassants :

– Je suis venu vous dire que je prends le large, a éructé Mario, très vexé de son élimination dès le premier tour.

Ce n’est pas demain qu’on le reverra dans le village.

Jeanne-Marie est restée en course un bon moment, et a dû quitter l’événement.

– Les électeurs ne sont pas inspirés, a-t-elle persifflé.

Entre deux tours, la féria battait son plein.

On a lâché Pâquerette dans la rue principale, mais elle n’a pas été très agressive. On l’avait lestée d’une cloche pour alerter de son passage. Car une vachette lancée à pleine vitesse contre un piéton étourdi, ça fait des dégâts.

Pâquerette, elle n’aime pas la féria. Parce qu’on la brosse, on lui fait le poil luisant. Elle se dit qu’elle ressemble à ces chanteurs aux cheveux gominés. Inoffensifs. Et cette cloche autour du cou ! La barbe ! C’est lourd, ça fait du bruit. Il est où le bonheur d’envoyer dans le décor des spectateurs arrogants ? Là, on l’entend à des kilomètres, ou presque. Alors, elle a boudé. Elle a fait son footing, sans se presser.

Dans la mairie, les tours de vote s’enchaînent. François, Jules, Juliette, Martine, Sébastien, Jeanne-Marie, Fabienne, Yves et Alain ont été sortis de la course. Il ne reste que Félix et Agnès. Dernier round pour les départager.

L’urne se remplit. Ici, il n’y a pas de procuration. Si tu veux voter, tu n’as qu’à te présenter. Les familles avec les enfants, les célibataires avec ou sans chien, les personnes âgées défilent devant la table de décharge.

– Prenez 2 bulletins. C’est obligatoire. Passez ensuite dans l’isoloir, et allez signer la feuille d’émargement lorsque le Président vous l’ordonne.

Maurice titube dans la salle. Il se bat avec le rideau de l’isoloir et trouve tant bien que mal la direction de l’urne.

Le Président du bureau de vote fronce les sourcils. Il est sûr qu’il a déjà vu l’homme quelques minutes plus tôt.

– A picolé ! s’exclame-t-il. Tu as déjà voté, enrage le responsable de l’urne.

 

Je ne vous l’ai pas dit, mais ce jour-là, on élisait le propriétaire du plus beau chat du village. Et Félix a sa défaite en travers de la gorge.

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