Depuis le 5ème étage de mon appartement, je contemple les toits de Paris par la fenêtre. Le gris de l’ardoise contraste avec la douceur rosée du soleil couchant. Ce dernier ne va pas tarder à passer de l’autre côté. Bientôt, il fera nuit ici. Et j’y verrai plus clair. Dans l’immeuble d’en face, chacun va allumer sa pièce. Les activités seront multiples. Ici, seule dans le salon, je m’amuse à contempler la vie des autres. Derrière mes paupières de plus en plus lourdes, je laisse mon esprit divaguer. Petit à petit, il s’évade et s’immisce de foyer en foyer… Je pourrais aller chez Madame Lucette qui est en train de déposer avec délicatesse des légumes d’automne dans sa cocotte minute. Ou commenter l’actualité avec Raymond qui ne loupe jamais un JT sur Antenne 2. Ou bien chez Colette qui s’apprête à accueillir son mari, parti en voyage d’affaires depuis plusieurs jours. Mais au fond, je sens que c’est chez Maurice, mon grand-père, où j’ai envie de m’inviter à table, au moment du souper, pour lui tenir compagnie. « Je ne m’y fais pas, à la solitude, tu sais. » Je le libérerais de cette mélancolie qui s’invite chaque soir à sa table, table qu’il dresse désormais plus que pour une seule personne, lui, depuis bientôt 10 ans … Et chaque soir, au moment de s’endormir, des souvenirs qui ne datent pas d’hier lui reviennent à présent.
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Cette nuit-là, dans le dortoir, il fait un froid de canard. Le silence règne, comme à chaque début de nuit, après que MARCHAND, le surveillant général, a fait le tour des chambres et éteint les lampes à pétrole. MARCHAND n’est pas du genre à faire une ronde pour plaisanter. Il dit les choses une fois, MARCHAND. « Maintenant, dormez! » Aussi sec qu’un coup de fouet, le MARCHAND. Si un pensionnaire s’avise de lui désobéir ou se fait surprendre à faire l’idiot, ça barde. Il est bien au courant, JAMBON. Il faut reconnaître, il est particulièrement doué pour sortir du rang. Avec lui, on ne s’ennuie pas ! La nuit, avec JAMBON à l’étage, on n’est jamais à l’abri d’un assaut. Mais pour le moment, pas un bruit. Pourtant, je sens bien que personne ne dort autour de moi. Le froid fait claquer certaines dents. On manque de couvertures. On fait avec ce qu’on a, c’est comme ça. Certains lits grincent avec le mouvement des corps qui se retournent de l’autre côté. C’est qu’ils ne datent pas d’hier, les lits. Le grincement n’est certainement pas causé par le poids de nos corps. A l’époque, on est plutôt minces. Ce n’est pas avec ce qu’on nous sert au réfectoire qu’on va s’épaissir. Ici, c’est un bol de soupe, quand ce n’est pas du bouillon. Un morceau de pain. Si on a de la chance, il n’est pas rassis. Un bout de fromage les jours de fête. Un fruit. Un verre de lait. Parfois, JAMBON pique dans la réserve personnelle de MARCHAND du chocolat et des biscuits. On se partage le butin dans notre chambre. Et hop, au lit. Extinction des feux.
“Hé DUFOUR, tu dors ?”
“Non. Et toi ?” DUFOUR a le sens de la répartie.
“Non pardi. Je repense à cette folle journée et à toutes ces billes que j’ai empoché.”
« Mon vieux, profites-en, parce que la chance du débutant, ça ne dure pas éternellement ! »
« C’est ce qui s’appelle avoir le coup d’main, DUFOUR. Je t’apprendrais. JAMBON, il dort ? »
Pas eu besoin de réponse pour comprendre que lui non plus n’a pas trouvé le sommeil. Je sens partir un coup à côté de mon oreiller. Une bataille commence. A l’attaque ! Très vite, les plumes des polochons volent dans la piaule. La chambre se transforme en un véritable champ de bataille. Nos affaires sont projetées comme des obus. Les camarades se déchaînent. Ils s’en donnent à coeur joie. « Tiens, prends ça MOREL ! » Aucune retenue. Très vite, des alliances se forment. Je fais équipe avec DUFOUR, BOUVIER et JAMBON. Les matelas se déplacent sous l’impulsion de nos sauts, de lit en lit. A force, on finit toujours par les agencer en tranchées. A cet instant, la voie est libre. Bien sûr, il faut toujours que l’un d’entre nous monte la garde, posté près de la porte, l’oreille tendue pour prévenir de l’arrivée d’un adulte. Pour le moment, les pions sont en réunion avec les professeurs, le gardien et le directeur au 1er. Cependant, dès que le clocher retentira ses 10 coups, ils iront tous se coucher. MARCHAND fera une dernière ronde à notre étage pour s’assurer que rien ne bouge. Il faudra alors un cesser le jeu immédiat, sous peine de sanction collective : une retenue, une corvée de nettoyage ou pire encore, une privation de sortie.
Voici les 7 bonnes raisons qui m’ont poussées à rejoindre l’Atelier sous les Toits, et plus particulièrement l’Atelier au Long Cours pour de l’écriture spontanée : 1. Produire des textes régulièrement, sans se trouver d’excuse pour se débiner 2. Partager avec d’autres le goût pour l’écriture, dans un cadre bienveillant et sous toutes ses formes 3. Découvrir et développer ma créativité 4. Trouver mon style d’écriture (avec lequel je me sens le plus à l’aise et qui vient naturellement) 5. Ecrire sous contraintes (de temps et de mots) 6. Maîtriser mes émotions avec la prise de parole pour lire mes textes en atelier (assumer ce que j’écris même si je ne suis pas satisfaite de moi, baisser mes exigences, ne plus avoir honte de moi, ne pas me comparer aux autres, se rendre compte que ce n’est pas la fin du monde si un texte n’est pas achevé ou si je bafouille en lisant) 7. Se nourrir de la créativité des autres. Et j’en suis ravie.